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Liberté d’information, diffamation et secret de l’instruction

Cass crim 23 novembre 2004, inédit.

En utilisant le terme "trafic d’influence", Libé avait-il poussé le bouchon trop loin ? La cour de cassation relève qu’à défaut d’avoir force probante, l’enquête journalistique aurait dû faire preuve d’une certaine prudence sémantique !

Un article du journal Libération épingle le maire et l’adjoint d’une grande ville laissant entendre leur implication dans un trafic d’influence dans une opération d’urbanisme. Le maire fait citer directement l’auteur de l’article et le directeur de la publication pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public.

Les journalistes se défendent en alléguant, procès verbaux d’audition à l’appui, du sérieux de leur enquête et relèvent que les deux élus n’ont pas voulu, à l’époque, s’exprimer.

Ces arguments sont rejetés par les magistrats lesquels condamnent les deux prévenus à 1500 euros d’amende chacun :

 d’une part la possession des procès verbaux "résulte d’une violation manifeste du secret de l’instruction" ;

 d’autre part, "la réalité des contacts [du journaliste] avec le service communication de la mairie ne résulte que des comptes rendus écrits par lui-même de conversations téléphoniques enregistrées et qui ne sauraient avoir force probante".

Les magistrats en concluent "que les investigations menées n’ont été ni sérieuses ni contradictoires, ce qui devait inciter les prévenus, qui n’avaient pas recoupé leurs informations, à faire preuve de prudence, d’autant que l’information risquait d’avoir un retentissement local certain". Et la Cour de cassation (cass crim 23 novembre 2004) d’approuver les premiers juges d’avoir considéré "que ni la forme interrogative, ni l’emploi du conditionnel ne suffisent à caractériser cette prudence, sauf à permettre tous les excès, dès lors qu’est utilisé le terme "trafic d’influence".