Le refus d’un maire de raccorder au réseau des caravanes installées illégalement sur un terrain non constructible constitue-t-il une ingérence dans la vie privée et familiale ?
[1]
Oui : le refus de raccordement au réseau d’un terrain où sont installées des caravanes abritant une famille, constitue une ingérence dans la vie privée et familiale. Le refus du maire n’est pas pour autant injustifié dès lors qu’il a pour objectif légitime d’assurer le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement. Il appartient au juge de vérifier, au cas par cas, que l’ingérence qui découle du refus du raccordement est proportionnée à l’objectif légitime ainsi poursuivi.
Un couple installe sur un terrain agricole dont il est propriétaire deux caravanes pour y habiter avec ses 5 enfants. Le terrain est situé en zone ND du plan d’occupation du sol, dans les périmètres d’un site classé et d’un monument historique. De fait l’installation de caravanes y est interdite.
Le maire rejette en conséquence la demande de raccordement du terrain au réseau d’eau potable.
Le tribunal administratif de Melun, puis la Cour administrative d’appel de Paris valident le refus du maire.
La famille forme un pourvoi en invoquant une violation des dispositions de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prohibant les ingérences de l’autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale.
Le Conseil d’Etat reconnaît effectivement que le refus du maire de raccorder le terrain au réseau public constitue une telle ingérence :
"la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales".
Ce qui ne veut pas dire pour autant que la décision du maire n’est pas justifiée. En effet la volonté du maire d’assurer le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement est légitime. Il appartient en conséquence aux juridictions administratives de vérifier, au cas par cas, si une telle ingérence est proportionnée au but légitime poursuivi.
"Si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi".
Il appartiendra à la cour administrative d’appel de renvoi de se prononcer sur le caractère proportionné ou non du refus de raccordement.
[1] Photo : © Paula Gent