Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Marché truqué : sauvés par la prescription !

Cass crim 4 novembre 2004

D’un côté le prix fortement minoré de la maison d’habitation du maire et des bureaux de sa société, de l’autre celui fortement majoré de la maison de retraite dont l’attribution du marché s’est avérée irrégulière. Mais le pot aux roses a été dénoncé trop tard.

Une commune d’Ile-de-France (20 000 habitants) lance un appel d’offres pour la construction d’une maison de retraite. Après infructuosité, le marché est passé sous la forme négociée. Dans le même temps, l’entreprise atttributaire se voit confier la construction de la maison d’habitation principale du maire (par ailleurs président de la maison de retraite) ainsi que celle d’un immeuble de bureaux pour le compte d’une société dont l’élu est le principal actionnaire.

Cinq ans après l’attribution du marché, la directrice de la maison de retraite dénonce au procureur de la République les conditions d’attribution du marché. Une information judiciaire est ouverte qui permet d’établir que ce marché avait été irrégulièrement confié à l’entreprise attributaire par le maire "en contrepartie de l’édification de sa maison et des bureaux de la société S., à des prix fortement minorés, le coût de la construction de la maison de retraite ayant été quant à lui majoré".

Le maire, l’adjoint (qui avait déclaré le marché infructueux) et l’entrepreneur sont renvoyés avec d’autres personnes devant le tribunal correctionnel pour trafic d’influence, détournement de fonds publics, complicité et recel.

Dans un arrêt du 4 novembre 2004, la Cour de cassation, approuvant les premiers juges (Cour d’appel de Paris 22 janvier 2004) constate la prescription de l’action publique dès lors qu’aucun acte d’instruction ou de poursuite n’a eu lieu entre le dernier versement (acquittement du prix des bureaux le 24 décembre 1991) et l’ouverture de l’enquête préléminaire (le 12 avril 1995).

L’argument du ministère public selon lequel "le délai de prescription n’avait pu commencer à courir avant le 12 avril 1992 en raison de la clandestinité des conditions de passation et d’exécution du marché de construction de la maison de retraite" est donc rejeté. La commune et la maison de retraite, qui s’étaient constitués partie civile, en seront donc pour leur frais.