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Agent électrocuté, maire condamné !

CA Lyon 19 septembre 2006 N°04/01127

Trop près de la ligne à haute tension, sans déclaration de chantier auprès d’EDF, ni habilitation réglementaire pour la conduite d’une nacelle : les infractions aux règles d’hygiène et de sécurité au travail ont été fermement sanctionnées, sans exonération possible pour une délégation qui n’était que de signature et non de pouvoir.

En février 2002, un agent d’une commune (3000 habitants) meurt électrocuté alors qu’il élaguait des arbres à proximité d’une ligne à haute tension.

Une enquête est ouverte qui permet d’établir :

1) que tous travaux à moins de trois mètres d’une ligne à haute tension exigent (décret 65-48 du 8 janvier 1965 ; articles 3,4,7,8 du décret 91-1147 du 14 octobre 1991) :

 une demande de mise hors tension auprès de l’EDF ;

 une déclaration d’intention de commencement des travaux à réaliser auprès d’EDF avant le début du chantier pour définir les mesures de protection à mettre en oeuvre ;

 la présence d’un surveillant au sol si la ligne reste sous tension.

2) Que la nacelle appartenait à une société de location dont la seule obligation était de montrer le fonctionnement du matériel au client sans que cette démonstration vaille habilitation par un organisme agrée pour utiliser la nacelle. Or, si la victime avait une formation d’horticulteur, elle n’avait en revanche pas l’habilitation réglementaire pour conduire ce type d’engins. D’ailleurs trois mois avant l’accident un rapport de l’inspecteur du centre de gestion rappelait le caractère obligatoire de cette formation depuis le 5 décembre 2000 (article R233-13-19 du code du travail).

Dans l’attente d’une telle formation, la commune aurait dû soit louer une nacelle avec un chauffeur disposant de l’autorisation adéquate qui serait resté avec l’agent technique, soit sous-traiter les travaux à une entreprise spécialisée.

Cette seconde solution avait d’ailleurs été adoptée par la commune jusqu’en 1998 avant d’être abandonnée en raison de son coût trop élevé.

Mis en examen en mai 2003, le maire se défend en invoquant une délégation de pouvoirs au profit du directeur général des services techniques qui était par ailleurs l’agent chargé de la mise en oeuvre des règles d’hygiène et de sécurité (ACMO) de la collectivité (sans recevoir cependant de notification officielle et sans bénéficier de formation).


Le tribunal correctionnel de Lyon (2 juillet 2004) écarte cet argument et condamne l’élu à 12 mois d’emprisonnement avec sursis :

 "attendu que le maire exerce les fonctions de chef des services municipaux et doit, à ce titre, prendre toutes les mesures relatives à l’organisation internes des services de la commune et à la gestion des agents ; qu’ainsi celui-ci est spécialement compétent pour assurer l’organisation et la direction des services municipaux et doit veiller au respect des règles d’hygiène et de sécurité prévues par le code du travail, lesquelles sont applicables aux personnels des établissements publics, notamment territoriaux ;

 "attendu que toute décision du maire attribuant une délégation doit prendre la forme d’un arrêté municipal ; que tel n’est pas le cas en l’espèce et qu’au surplus, une délégation consentie à Gérard D, pris en qualité de responsable des services techniques de la commune, eût constitué non une délégation de pouvoirs mais une simple délégation de signature exercée sous la surveillance et sous la responsabilité du maire, le fonctionnaire délégataire demeurant placé sous l’autorité hiérarchique de celui-ci ; qu’en conséquence il ne saurait être invoqué aucune délégation de pouvoirs".


En appel, l’élu ne reprend pas l’argumentation relative à la délégation de pouvoir mais persiste à renvoyer la faute de l’accident sur le directeur des services techniques "qui a fait le choix d’un matériel inadapté afin de tailler la haie" et sur la victime "qui a maladroitement utilisé la nacelle élévatrice prise en location". Les magistrats lyonnais ne s’avouent pas convaincus :

 membre du conseil municipal depuis 1983, le prévenu "a donc une connaissance approfondie de la commune dont il est maire ainsi que du conseil municipal qu’il préside" ;

 "si le prévenu s’est constamment prévalu des compétences du directeur des services techniques à qui il s’en était largement remis, il convient de relever que celui-ci, ayant la qualité d’agent de maîtrise, dirigeait une équipe ne comprenant, outre lui-même que quatre salariés" ;

 "ne se trouvant pas dans la situation d’un maire de grande ville dotée de services techniques compétents, organisés et dirigés par un cadre de haut niveau, le prévenu se devait d’être spécialement attentif aux tâches accomplies par les cinq ouvriers municipaux et aux conditions de travail de ceux-ci".

Et les magistrats de conclure "qu’en se désintéressant des conditions de travail des ouvriers du service technique, en s’en remettant aveuglément au directeur de ce service, simple agent de maîtrise, en laissant entreprendre des travaux à proximité d’une ligne électrique aérienne de 20.000 volts sans s’assurer que la déclaration d’intention de commencement des travaux avait été souscrite, en laissant utiliser des nacelles élévatrices à proximité d’une telle ligne par du personnel sans formation, en omettant de prendre la moindre disposition pour mettre fin à de telles pratiques alors qu’il était dûment informé de la situation par un rapport d’inspection ayant fait l’objet d’un examen en réunion des adjoints, Jean-Louis S., qui n’a pas causé directement le dommage a néanmoins crée ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ; que sa continuelle impéritie constitue une faute caractérisée au sens de l’article 121-3 du code pénal, laquelle présente un lien de causalité certaine avec le dommage".