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Droit de retrait et retenue sur traitement

Conseil d’État, 2 juin 2010, N° 320935

L’administration est-elle tenue d’inviter un fonctionnaire qui a exercé son droit de retrait à reprendre son travail avant de pouvoir opérer une retenue sur traitement ?


 [1]

Non : si l’autorité administrative ne peut demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, elle n’est pas tenue d’inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu.


Une enseignante exerce son droit de retrait à la suite de divers actes de violence intervenus au sein du lycée où elle travaille. Elle reprend son service après avoir été informée par l’inspection d’académie des mesures prises pour améliorer la sécurité dans l’établissement.

Constatant que l’enseignante a été absente quatre jours, son administration effectue une retenue sur traitement pour absence de service fait.

L’enseignante obtient l’annulation de la retenue, le tribunal administratif
estimant justifié l’exercice du droit de retrait et relevant que l’intéressée avait repris ses cours dès qu’elle avait été informée des mesures prises pour améliorer la sécurité dans l’établissement.

Le Conseil d’Etat annule le jugement. En effet :

"les dispositions de l’article 5-6 du décret du 28 mai 1982 ne subordonnent pas la reprise de leur service par les agents qui ont exercé ce droit à une information préalablement délivrée par l’administration sur les mesures prises pour faire cesser cette situation".

"si ces dispositions prévoient que l’autorité administrative ne peut demander à l’agent de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, elles n’impliquent pas (...) que l’administration doive inviter cet agent à reprendre son travail dès que la situation de danger a disparu."

Or en l’espèce le calme au lycée était assuré dès le 3è jour suivant les incidents par l’effet dissuasif de rondes policières régulières. L’enseignante aurait donc dû reprendre son travail dès ce jour sans attendre d’être informée de ces mesures par l’inspection d’académie. Ainsi l’administration était fondée à effectuer une retenue sur traitement (mais pour cette seule journée et non pas pour les précédentes où la situation de danger persistait).

Cette solution appliquée ici à une enseignante est tout à fait transposable aux fonctionnaires territoriaux, ou aux salariés des associations ou des entreprises dans la mesure où ni le décret du 10 juin 1985 (pour la fonction publique territoriale), ni le code du travail n’imposent à l’employeur public ou privé d’informer le travailleur que la situation de danger a disparu.

Conseil d’État, 2 juin 2010, N° 320935

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