Réputé "en friche", le terrain n’en est pas moins classé parmi les espaces boisés dans le plan d’occupation des sols de la commune. Ce n’est donc pas un banal défrichement que s’obstine à réaliser le maire.
Dans la perspective de la création d’un plan d’eau et de divers aménagements, le maire d’une petite ville lorraine (10 000 habitants) fait procéder au défrichement partiel d’un terrain réputé "en friche" appartenant à la commune.
Par un arrêté du 24 mai 2000, le préfet attire l’attention du maire sur le classement en espace boisé dudit terrain, ce qui s’oppose à la poursuite des travaux du moins "jusqu’à l’approbation d’une révision du plan d’occupation des sols concerné, modifiant la situation".
Après révision du plan d’occupation des sols, les travaux reprennent deux ans plus tard. Les ingénieurs du ministère de l’agriculture et de la forêt préconisent un défrichement total avec reboisement. Les gendarmes n’en sont pas moins dépêchés sur le terrain : ils relèvent que le maire "s’échauffe tout seul face aux fonctionnaires qui restent parfaitement courtois et polis" et que "visiblement il cherche à faire forte impression auprès des personnes l’accompagnant dans le but de faire reprendre les travaux".
Un mois plus tard, un fonctionnaire des forêts constate la présence de cinq engins attestant de la poursuite des travaux. Le maire est alors poursuivi en correctionnelle pour infractions au code de l’urbanisme et au code forestier (défrichement du bois d’une personne publique sans autorisation, défrichement en infraction au plan d’occupation des sols, et continuation des travaux malgré interdiction préfectorale).
L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Metz. L’élu s’y défend en relevant que le défrichement partiel qu’il avait ordonné valait mieux que le défrichement total préconisé par le service des forêts.
Les magistrats lui objectent que son argumentation "ne retient que la moitié de la démarche" puisqu’il n’avait pas pour projet de reboiser mais de changer la destination du terrain en infraction au plan d’occupation des sols.
Constatant par ailleurs que l’arrêté préfectoral n’avait pas été abrogé, les magistrats condamnent l’élu à une peine de 30 000 euros d’amende !
Le maire se pourvoit en cassation et relève notamment :
– qu’il ne pouvait être déclaré coupable de défrichement illicite dès lors que ce n’est pas lui qui a matériellement effectué les dits travaux.
– qu’il était poursuivi du chef de défrichement sans autorisation, et non pour avoir méconnu l’obligation de reboisement qui, après défrichement, aurait été mise à sa charge dans le cadre d’un plan simple de gestion approuvé conformément à l’article L. 222-1 du Code forestier ;
– qu’il a commis une erreur de droit dès lors que la teneur de l’arrêté préfectoral pouvait lui laisser croire que l’interdiction de continuer les travaux ne valait tant que le plan d’occupation des sols n’avait pas été modifié ;
– que le terrain en question avait fait l’objet en 1980 d’une coupe rase sans reboisement et n’était dès lors constitué que de broussailles de sorte que le défrichement litigieux ne pouvait avoir porté atteinte à un état boisé, nonobstant le classement de ce terrain en zone ND.
Dans un arrêt rendu le 29 juin 2004, la Cour de cassation, opposant l’appréciation souveraine des juges du fond, confirme purement et simplement la condamnation de l’élu qui devra donc s’acquitter sur ses deniers personnels d’une amende de 30 000 euros.