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Management orageux ou harcèlement moral ?

CA Aix-en-Provence 1 avril 2004

Le directeur des services techniques et l’agent d’entretien n’étaient pas sur la même longueur d’ondes. Mais si leurs relations étaient électriques, relevaient-elles pour autant du harcèlement moral ?

En septembre 2002, un agent d’entretien d’une mairie du Sud de la France (8000 habitants) dépose plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction pour harcèlement moral contre son supérieur hiérarchique, directeur des services techniques. A l’appui de sa procédure, le plaignant expose :

 qu’il a fait l’objet de plusieurs affectations progressives constituant à ses yeux une mise au placard ;

 que le prêt d’un véhicule de service (sic) et le report de ses congés lui avaient été refusés alors que ces faveurs avaient été accordées à ses collègues ;

 que son supérieur avait tenu à son égard des propos désobligeants.

En février 2003 une information judiciaire est ouverte. Entendu comme témoin assisté, le directeur des services techniques se défend en observant :

 qu’il n’était pas le supérieur hiérarchique du plaignant et n’avait aucune délégation de pouvoirs ;

 que les demandes de congés relevaient de la compétence du maire et qu’il n’avait lui même qu’un avis consultatif ;

 que l’avis défavorable qu’il avait émis à la demande de report de congés du plaignant était fondé par la circonstance que le prévenu sortait d’un congé maladie.

 que les affectations successives du plaignant s’expliquaient par sa qualité d’agent d’entretien qui le conduisait tour à tour à effectuer dans l’intérêt du service des fonctions de jardinier, de cantonnier, de manoeuvre, de maçon...

Les auditions effectuées au cours de l’instruction sont contradictoires : si les collègues de travail abondent dans le sens du plaignant, le maire, les adjoints et le secrétaire général le dépeignent comme "une personne peu enclin à travailler régulièrement, fréquemment en arrêt maladie, un individualiste au caractère renfermé supportant difficilement l’autorité en général". De fait, en février 2004, considérant que l’information judiciaire n’avait pas permis d’établir la réalité des faits dénoncés, le juge d’instruction rend une ordonnance de non lieu.

Le plaignant relève appel de cette ordonnance en reprochant principalement au juge d’instruction de ne pas avoir fait droit à sa demande d’audition du médecin du travail qui avait entrepris des démarches auprès de la collectivité pour qu’il soit affecté à des tâches moins physiques.

Dans un arrêt tout en nuances rendu le 1 avril 2004, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme le non lieu. Les magistrats aixois relèvent ainsi :

 que l’information ne peut porter que sur des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002 créant la nouvelle infraction de harcèlement moral. Ainsi le refus du prêt d’un véhicule de la ville qui selon la partie civile remonterait "aux environs de l’année 1999" est considéré comme "sans intérêt pour la présente affaire". Les magistrats ne manquent d’ailleurs pas de relever au passage que de tels faits pourraient faire l’objet d’une qualification pénale !

 que si l’accusé n’est pas juridiquement le supérieur hiérarchique du plaignant, il n’en demeure pas moins qu’il "l’est fonctionnellement dans la mesure où il lui appartient d’organiser et de contrôler le travail des agents techniques municipaux". En tout état de cause, poursuivent les magistrats, la qualité de supérieur n’est pas nécessaire pour caractériser le délit prévu par l’article 222-33-2 du code pénal.

 que "les diverses auditions réalisées sont de nature à mettre en évidence, sans que la bonne foi de quiconque soit mise en doute, deux conceptions différentes des relations de travail au sein d’une collectivité, selon que l’on occupe une place de direction ou d’exécution. Les différentes appréciations portées par les différents intervenants sur la plus ou moins bonne qualité du travail produit ou sur la manière plus ou moins heureuse d’exercer son autorité, si elles sont révélatrices de dysfonctionnements, ne sont pas de nature à établir des faits suffisamment précis pour être susceptibles de recevoir une qualification pénale".

 "que l’audition du médecin du travail se heurte aux dispositions relatives au secret médical et professionnel". Au demeurant, il est relevé que les démarches entreprises par celui-ci ont débouché sur la nomination du plaignant à un poste de policier municipal ce "qui semble donner satisfaction à tout le monde".