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Prévention des inondations : des travaux dangereux pour le poisson ?

Cass. crim. 23 mars 2004

Fallait-il abaisser le lit du torrent pour en finir avec les inondations chroniques du village ? Quoiqu’il en soit, ces travaux étaient-il dangereux pour la faune aquatique et, dès lors, étaient-ils sousmis à autorisation ?

A la suite de diverses inondations provenant du débordement d’un torrent, le conseil municipal d’une commune des Hautes-Alpes de 305 habitants décide, après s’être rapprochée des autorités administratives compétentes, d’abaisser le lit du torrent de 0,70 mètres.

Ces travaux ne vont pas sans une perturbation de "l’habitat aquatique", ce qui vaut à la commune, personne morale, des poursuites pénales pour "réalisation sans autorisation, dans un cours d’eau douce, d’ouvrage ou de travaux dangereux pour le poisson". La collectivité est ainsi condamnée par la Cour d’appel de Grenoble (26 juin 2003) à 1500 euros d’amende avec sursis.

Les magistrats de la Cour d’appel font en effet remarquer que "le Maire n’a pas agi dans le cadre de ses compétences de police auquel cas il n’aurait pas eu besoin d’être autorisé par le Conseil municipal s’agissant de pouvoirs propres mais en vertu de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement sur délégation du Conseil municipal afin d’assurer la défense contre les inondations, activité susceptible de faire l’objet de délégation de service public".

La nuance est de taille puisque la responsabilité d’une personne morale de droit public n’est susceptible d’être engagée que pour les activités susceptibles de délégation de service public (voir sur ce point le cas d’école : Transport scolaire : Quelle responsabilité pour les départements ?).


Les arguments de la commune

La commune se pourvoit en cassation en faisant valoir quatre arguments :

1° pour affirmer "que les travaux litigieux constituaient une activité par nature délégable au sens de l’article 211-7 du Code de l’environnement", la Cour aurait dû vérifier "si ceux-ci pouvaient être le siège d’une éventuelle rémunération substantiellement tirée du résultat de l’exploitation d’une activité de service public" ;

2° les magistrats ne pouvaient déduire "de l’existence d’une délibération du conseil municipal que le Maire n’avait pas agi dans le cadre de ses pouvoirs de police" puisque "la mesure envisagée requérait la réalisation préalable de certaines dépenses" et le vote par le conseil des budgets idoines.

3° à aucun moment le conseil municipal n’a indiqué qu’il se fondait sur l’article L. 211-7 du Code de l’environnement ;

4° l’élément moral de l’infraction n’était pas constituée dès lors que la commune "ne pouvait pas avoir conscience d’un risque de destruction de frayères ou de lieux de vie piscicole dans le torrent, ce dernier n’étant pas compris dans la délimitation de l’arrêté préfectoral de biotope du 26 mars 1986 assurant la protection du marais de la commune".


Les motivations de la Cour de cassation

Sensible aux arguments développés par la commune la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel : "en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les travaux litigieux pouvaient permettre l’exploitation d’une activité ayant pour objet la gestion d’un service public et être le siège d’une éventuelle rémunération tirée du résultat de cette exploitation, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision".

L’affaire est en conséquence renvoyée devant la Cour d’appel de Lyon qui devra la juger conformément au droit.