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Faux en écriture : attention aux décisions rattachées !

cass. crim. 10 mars 2004

Le registre des délibérations doit être rigoureusement fidèle aux délibérations telles qu’elles ont été adoptées par le conseil municipal : pas question de gommer, de couper ou de modifier quoi que ce soit.

En février 1998, le conseil municipal d’une station balnéaire de 20 000 habitants prend une délibération inscrite sous le numéro 7 et transmise sous ce numéro à la sous-préfecture et intitulée "Plages concédées ; sous-traités de concession". Mais dans le registre des délibérations est insérée une délibération 6A sans tampon d’arrivée à la sous-préfecture qui porte elle aussi sur les plages concédées et constitue la photocopie de la délibération n° 7 à quelques modifications près :

1° la date d’enlèvement des installations de plagistes passe du 30 au 15 octobre ;

2° le nombre de plagistes susceptibles de bénéficier d’une sous-concession passe de 8 à 9 ;

3° à l’énumération du sommaire des sous-concessions envisagées est ajouté : "Plage de la petite Conque : une création".

Le directeur général de la commune est poursuivi pour faux en écriture publiques. L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Nîmes qui, le 21 mars 2003, condamne l’élu à une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, une amende de 4 573,47 euros et 3 ans de privation du droit de vote et d’éligibilité. Pour sa défense le prévenu fait valoir que trois délibérations (6A, 6B et 7) ont été votées et non deux :

 une délibération relative à l’ouverture d’une enquête publique

 une délibération relative à l’appel d’offres pour l’aménagement des plages concédées

 une délibération relative à l’adoption du cahier des charges des sous-traités de concession.

Les magistrats de la Cour d’appel réfutent cette argumentation qu’ils estiment "combattue par les comptes-rendus de séances" que tenait la sécrétaire. En outre, ils relèvent que "le registre des délibérations a subi des modifications destinées à le mettre en conformité avec des extraits de délibérations modifiées, à savoir :

1° la modification à la main de l’ordre du jour par introduction d’une mention 6A

2° par rajout de la lettre B à côté du 6 initial

3° par insertion par collage d’un extrait de la délibération 6A et ajout à la main de la lettre B pour transformer la délibération 6 en délibération 6B.

Enfin poursuivent les magistrats, le prévenu a falsifié le registre en modifiant l’ordre du jour page 26 et en agrafant en page 29 du même registre la fausse délibération.

Maintenant sa position le directeur se pourvoit en cassation en faisant en outre valoir :

1° "que les délibérations adoptées par un conseil municipal devant être inscrites sur le registre des délibérations par ordre de date et non par ordre d’adoption, leur numérotation n’est pas une mention substantielle du registre et leur modification ne peut être qualifiée de faux intellectuel ou matériel".

2° que les ajouts manuscrits étaient conformes et concomitants à la décision du conseil municipal de modifier l’ordre du jour et d’adopter les délibérations en cause.

Opposant l’appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation (cass. crim. 10 mars 2004) confirme la condamnation du prévenu.