Vox populi, vox Dei ? Le juge n’est guère sensible à l’adage : en l’espèce, cédant à une pétition de sa population, le maire n’en est pas moins coupable d’infraction aux articles L 160 et L 130 du Code de l’urbanisme !
À la suite d’une pétition présentée au conseil municipal, le maire d’une commune des Gorges du Verdon de 186 habitants décide d’agrandir un chemin existant pour en faire une piste d’accès longue de 300 mètres et large de trois mètres.
Sur plainte d’une association de protection du site du lac de Sainte-Croix, le maire est poursuivi en correctionnel sur le fondement des articles L 160-1 alinéa 2b et L. 130-1, alinéa 5, du Code de l’urbanisme. En effet, relèvent les plaignants, "le classement en zone boisée interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements".
En première instance le maire est relaxé. L’association fait alors appel et obtient gain de cause : le 8 octobre 2002, considérant que l’infraction est caractérisée, la cour d’appel d’Aix-en-Provence condamne le maire à indemniser sur ses deniers personnels le préjudice invoqué par l’association de défense de l’environnement (au pénal la relaxe du maire était définitive le parquet n’ayant pas interjeté appel) et à remettre en état les lieux tels qu’ils étaient avant les travaux contestés.
Le maire se pourvoit en cassation en relevant qu’il n’est pas établi que l’agrandissement en question "aurait, dans les circonstances de l’espèce, compromis la conservation, la protection ou la création des boisements".
La Cour de cassation adopte une position nuancée (cass. crim. 4 novembre 2003 n° de pourvoi : 02-88049, Inédit) : si elle constate que l’infraction était en effet caractérisée par le simple effet de l’agrandissement du sentier dès lors que celui-ci était situé dans une zone boisée classée (et donc sans qu’il soit a priori nécessaire de démontrer que ledit agrandissement ait été préjudiciable à la conservation des boisements), il n’en reste pas moins que les juridictions judiciaires étaient incompétentes pour statuer sur la demande de dommages-intérêts présentée par l’association.
Les magistrats rappellent en effet qu’en vertu de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III :
– "les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison d’un fait dommageable commis par l’un de leurs agents" ;
– "l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions".
Or, en l’espèce poursuivent-ils, les juges d’appel n’ont pas précisé en quoi une telle faute serait en l’espèce caractérisée. Les condamnations civiles du maire sont en conséquence annulées et l’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Lyon pour y être à nouveau jugée conformément à la loi.