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Promoteur débouté, littoral protégé

cass. crim. 2 décembre 2003

Pas facile de faire respecter les prescriptions auxquelles sont suspendus les permis de construire dans certaines zones sensibles du littoral ! Contre vents et marées, ce maire a cependant tenu bon, jusque devant la Cour de cassation qui lui a donné raison.

Un particulier est propriétaire d’un terrain de 54 hectares situé sur une commune varoise de 9 000 habitants. En compensation de la cession obligée de 14 hectares au Conservatoire du Littoral, il obtient, de 1970 à 1989, les autorisations nécessaires à la construction d’un important ensemble immobilier. Il obtient ainsi un permis de construire pour 3 maisons individuelles à édifier sur 5 parcelles.

Deux particuliers se portent acquéreur d’une partie des parcelles pour y édifier leur maison d’habitation. Mais ils ne respectent pas les prescriptions des autorisations obtenues. Ces faits constatés par procès-verbal conduisent le maire à prendre, en mai 1990, un arrêté mettant en demeure le propriétaire de "cesser immédiatement les travaux". Des poursuites pénales pour infractions au Code de l’urbanisme sont engagées contre les deux acquéreurs contrevenants ainsi que contre le propriétaire.

En 1998 les deux premiers sont condamnés, mais le troisième est relaxé : les juges relèvent en effet qu’il était étranger à la réalisation des travaux incriminés.

Sur la base de cette relaxe, le propriétaire informe alors le maire de sa volonté de reprendre les travaux de construction de la troisième maison individuelle sur les parcelles restantes sur la base du permis de construire délivré en 1989.

Il lui est répondu que ce permis est désormais périmé. Le propriétaire décide d’ignorer cette réponse et d’entreprendre quand même les travaux. Le maire, après avoir fait constater, par procès-verbal, la réalisation des travaux, en ordonne l’interruption par un arrêté du 27 mai 1999.

Quelque peu échauffé, le propriétaire fait alors citer le maire devant le tribunal correctionnel aux fins d’obtenir la mainlevée de cet arrêté en application de l’article L. 480-2 du Code de l’urbanisme.

Le requérant est débouté de ses demandes. Les magistrats de la cour d’appel d’Aix-en-Provence (28 janvier 2003) considèrent en effet que le permis invoqué était effectivement périmé. Le raisonnement est implacable : l’arrêté interruptif pris en 1990 par le maire n’empêchait pas le requérant de faire construire, conformément au permis délivré, la troisième maison sur les parcelles restantes. Seuls étaient concernés par l’arrêté de suspension, les travaux en cours sur les deux parcelles qui avaient été vendues et pour lesquels procès-verbal avait été dressé. Dès lors qu’aucuns travaux n’ont été réalisés entre avril 1989 (date du dernier permis de construire) et 1999, le permis délivré était bel et bien périmé.

Le propriétaire, dont on peut aussi comprendre le désarroi, se pourvoit alors en cassation en relevant :

 "que l’arrêté interruptif des travaux du 16 mai 1990 l’avait personnellement mis en demeure de cesser immédiatement les travaux entrepris sur le double fondement de faits de construction sans permis de construire et d’une atteinte aux dispositions du POS de la Commune en tant que les constructions incriminées porteraient atteinte à un espace boisé ;

 qu’étant titulaire d’un unique permis de construire pour le projet de construction comportant l’ensemble de l’opération immobilière dont les trois villas, il était obligé de respecter cet ordre d’interruption des travaux tant que le juge pénal ne se serait pas prononcé sur le bien-fondé de la poursuite et la base légale de l’arrêté interruptif de travaux".

Les magistrats de la Cour de cassation (chambre criminelle, 2 décembre 2003, n° de pourvoi : 03-82051) n’en confirment pas moins purement et simplement l’arrêt des juges du fond : le permis étant périmé, le maire était fondé à prendre un arrêté interruptif de travaux sur la base du procès-verbal constatant un commencement de travaux sans permis de construire.