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Risques industriels et pouvoirs de police

CE 29 septembre 2003

Vous avez dit lenteur du juge administratif ? Il aura fallu huit ans pour que l’arrêté d’un maire lorrain soit annulé par le Conseil d’État, au motif qu’il outrepassait ses pouvoirs de police, avec ce rappel : la police des installations classées relève du seul préfet.

Le préfet d’un département de Lorraine prend le 5 décembre 1989, sur le fondement des pouvoirs que la loi du 19 juillet 1976 lui confère à l’égard des installations classées, un arrêté définissant un périmètre de protection autour d’un complexe chimique dans lequel il interdit la création de locaux à usage d’habitation.

Le 28 mars 1995, le maire, la commune (16 000 habitants) où est situé ledit complexe interdit sur une section incluse dans ledit périmètre, toute création nouvelle de locaux destinés à l’habitat résidentiel, y compris la réutilisation de locaux vides aux fins d’habitat.

Un industriel défère cet arrêté devant les juridictions administratives au motif que le maire n’était pas compétent.

Par un jugement en date du 4 juin 1996, le tribunal administratif de Strasbourg donne raison à l’industriel et annule l’arrêté, mais la cour d’appel de Nancy (arrêt du 9 décembre 1999) annule ce jugement en considérant que le maire n’avait pas excédé ses pouvoirs en prenant l’arrêté litigieux. En fin de compte le Conseil d’État ( 29 septembre 2003 N° 218217) considère que le maire était incompétent pour prendre l’arrêté litigieux et l’annule... plus de huit ans après qu’il ait été adopté.

Les magistrats relèvent à cet égard que :

1) s’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, la police spéciale des installations classées a été attribuée au préfet et, à l’échelon national, au gouvernement par la loi du 19 juillet 1976 ;

2) en l’absence de péril imminent, le maire ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale ;

3) il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les risques présentés par le complexe chimique menaçaient d’un péril imminent la commune ;

4) s’il appartenait au maire de cette commune d’appeler l’attention du préfet sur l’intérêt de prendre, le cas échéant, des mesures complémentaires à son arrêté du 5 décembre 1989, il ne pouvait sans excéder sa compétence, édicter lui-même de telles mesures.