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Marchés publics : le seuil des 20 000 euros en sursis

Conseil d’Etat, 10 février 2010, N° 329100

Le décret du 19 décembre 2008 relevant le seuil en dessous duquel les acheteurs publics sont dispensés de publicité et de mise en concurrence est-il compatible avec les principes de liberté d’accès et d’égalité de traitement des candidats ?


 [1]

Par lettre du 18 février 2009, un avocat demande au premier ministre l’abrogation du décret du 19 décembre 2008 relevant à 20 000 euros le seuil en dessous duquel le pouvoir adjudicateur peut décider que le marché sera passé sans publicité ni concurrence préalable. Sans réponse, l’avocat saisit le Conseil d’Etat le 22 juin 2009 d’un recours contre le décret.

Le premier ministre lui oppose une fin de non recevoir jugeant le recours tardif. Le Conseil d’Etat [2] rejette l’argument dès lors que le premier ministre n’a pas notifié à l’avocat un accusé de réception lui indiquant notamment les voies et délais de recours contre une éventuelle décision explicite ou implicite de rejet. Ainsi le délai de recours n’a pas pu commencer à courir... 

Le Conseil d’Etat reconnaît par ailleurs à l’intéressé un intérêt à agir dès lors, qu’en sa qualité d’avocat, il a vocation à passer des marchés de prestation de service avec des collectivités territoriales ou de conseil de ces mêmes collectivités.

Mais l’intérêt de l’arrêt du Conseil d’Etat se situe, avant tout, sur le point de savoir si l’article 28 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret 19 décembre 2008, est compatible avec l’article 1er du code des marchés publics aux termes duquel “les marchés publics et les accords-cadres (…) respectent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (…)”.

Si le Conseil d’Etat concède « que ces principes ne font pas obstacle à ce que le pouvoir réglementaire puisse permettre au pouvoir adjudicateur de décider que le marché sera passé sans publicité, voire sans mise en concurrence », ce ne peut être pour autant que « dans les seuls cas où il apparaît que de telles formalités sont impossibles ou manifestement inutiles notamment en raison de l’objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré ».

Ainsi « en relevant de 4 000 à 20 000 euros, de manière générale, le montant en deçà duquel tous les marchés entrant dans le champ de l’article 28 du code des marchés publics sont dispensés de toute publicité et mise en concurrence, le pouvoir réglementaire a méconnu les principes d’égalité d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ».

En principe l’annulation d’un acte administratif implique que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Conscient qu’une telle rétroactivité porterait, eu égard au grand nombre de contrats en cause et à leur nature, une atteinte manifestement excessive à la sécurité juridique, le Conseil d’Etat ne prononce l’annulation des dispositions qu’à compter du 1er mai 2010 « sous réserve des actions engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur leur fondement ».

[1Photo : DR

[2Conseil d’Etat, 10 février 2010, N° 329100