Les abonnés à la Semaine juridique, fidèle partenaire de l’Observatoire, peuvent découvrir dès à présent les actes de notre 23e colloque "Les collectivités territoriales face aux enjeux assurantiels et de gestion des risques : constats, perspectives et solutions" dans le n°7 du 17 février 2025.
Au sommaire :
- Mot d’accueil de Jérôme Baloge, maire de Niort, président de SMACL Assurances
- Propos introductifs d’Alain Chrétien, maire de Vesoul, vice-président de l’AMF, président de la mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales
- Comment gérer les transferts (directs et indirects) de responsabilités et de charges aux collectivités ? Avec Me Eric Landot, Albane Guignard-Martin, Elodie Alleau et Me Vincent Corneloup
- Comment (ré)concilier code des assurances et code de la commande publique ? Avec Me Antoine Alonso, Denis Enjolras, Maxime Bourgoin et Timothée Dumortier.
- Quelles pistes de solution opérationnelles pour une meilleure attractivité des collectivités ? Avec Eva Kaplanis, Déborah Claudon-Adam, Thomas Cordeau, et Laurent Badone.
- Conclusion de Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances SA
Une version électronique illustrée sera mise en ligne par nos équipes au mois de mars en complément de la synthèse et du replay qui sont en ligne.
Le sujet de l’attractivité du marché d’assurance des collectivités, qui demeure une préoccupation majeure, est au coeur d’un avis rendu par l’Autorité de la concurrence (Avis 25-A-04 du 23 janvier 2025) saisie par la commission des finances du Sénat suite au rapport d’information dans le cadre de la mission d’information relative aux problèmes assurantiels des collectivités territoriales.
Les constats
La demande portait sur la situation concurrentielle dans le secteur de l’assurance des dommages aux biens des collectivités territoriales en France. Après avoir interrogé différents acteurs du secteur, l’Autorité de la concurrence constate que, bien qu’elles ne soient soumises à aucune obligation légale quant à la passation de contrats d’assurance de dommages pour protéger leurs biens, les collectivités territoriales préfèrent majoritairement souscrire de tels contrats plutôt que d’assumer seules les conséquences financières d’un éventuel sinistre. Mais les collectivités rencontrent des difficultés pour accéder à une offre de dommage aux biens :
Les collectivités territoriales "rencontrent de nombreuses difficultés, notamment dans la préparation des marchés publics, en raison d’une connaissance de leur patrimoine qui peut s’avérer incomplète et d’un manque d’expertise assurantielle pour définir leurs besoins de manière précise et adaptée aux contraintes des assureurs. Depuis les années 2022-2023, ces difficultés se sont également manifestées lors de la passation des contrats, avec des appels d’offres souvent infructueux ou des réponses assorties de conditions défavorables. Dans son analyse concurrentielle, l’Autorité observe que ce secteur est caractérisé par une forte concentration autour de deux principaux acteurs, Groupama et SMACL Assurances SA, et que l’intensité concurrentielle y demeure faible. Par ailleurs, l’application parfois complexe des règles de la commande publique, combinée à de faibles perspectives de rentabilité, limite l’attractivité du secteur pour de nouveaux entrants. Ces facteurs contribuent à l’instauration de relations déséquilibrées entre les collectivités et les assureurs, rendant difficile la négociation de conditions favorables pour les premières."
La concentration autour de deux acteurs s’explique par la spécificité, la technicité et le manque d’attractivité et de rentabilité du secteur :
selon un assureur interrogé dans le cadre de l’instruction, « [l]es conditions ne semblent pas réunies pour assister à l’entrée ou au développement de nouveaux opérateurs souhaitant s’engager sur ce marché dans la durée ». Un assureur interrogé qui n’est pas actif auprès des collectivités territoriales relève également que l’arrivée de nouveaux opérateurs dans ce secteur lui semble peu probable, notamment en raison de la nécessité de mettre en place une gestion particulière de ce type de clients, d’une part, et de mobiliser des connaissances et des compétences spécifiques à ces risques, d’autre part. L’un des assureurs entendus dans le cadre de l’instruction a néanmoins indiqué que « le mouvement haussier du tarif depuis 2 ans va rééquilibrer à terme l’offre et la demande sur ce segment et certains acteurs (parmi les grands assureurs privés) p[ourraient] décider de revenir ». Un autre assureur a également estimé que de nouveaux entrants devraient théoriquement être intéressés par l’activité d’assurance des dommages aux biens des collectivités dès lors que les prix se fixent à un niveau suffisant pour couvrir la sinistralité, ce qui devrait « améliorer l’attractivité du marché ».
Comme le rapport Dagès-Chrétien, l’Autorité de la concurrence constate que les résultats techniques de cette branche sont déséquilibrés avec un ratio moyen sinistres sur primes supérieur de 12 points à celui de l’ensemble des autres catégories de professionnels. De fait, il est souligné que le patrimoine des collectivités à assurer (bureaux, monuments historiques, locaux techniques, écoles, station de traitement de l’eau...) est beaucoup plus hétérogène que celui des autres clients professionnels. En outre les collectivités sont soumises à une plus forte exposition aux risques climatiques et sociaux (émeutes et mouvements populaires). D’où une vulnérabilité aigüe de leur patrimoine nécessitant pour les collectivités d’engager, et de suivre dans la durée, des plans de prévention opérationnels et efficients.
Un Observatoire pour contribuer à protéger l’assurabilité des territoires
La CCR (Caisse centrale de réassurance) a été missionnée par le Gouvernement, pour mettre en place un Observatoire de l’assurabilité en France. Celui-ci a pour vocation de contribuer à maintenir à terme une offre d’assurance solidaire et mutualisée dans les territoires métropolitains et ultramarins, alors que les catastrophes naturelles (Cat Nat) sont de plus en plus fréquentes et intenses. La CCR prévoit de publier un premier rapport dans le courant du premier semestre 2025.
Les recommandations
L’Autorité de la concurrence formule sept recommandations, qui rejoignent celles des rapports Dagès-Chrétien et Husson. Classées en deux grandes catégories, ces recommandations peuvent guider un plan d’actions à décliner dans chaque collectivité :
1. Recommandations visant à améliorer améliorer la préparation des marchés publics d’assurance :
Recommandation n° 1 : l’Autorité recommande de renforcer la connaissance, par les collectivités territoriales, de leur patrimoine et de l’ensemble des risques auxquels elles sont confrontées. Une fois ces risques identifiés, il convient d’encourager les collectivités à prendre les mesures nécessaires pour prévenir leur survenance et/ou leurs conséquences.
Recommandation n° 2 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à se faire accompagner, si nécessaire, dans la préparation et le déroulement de la procédure de passation de leurs marchés d’assurance, en leur rappelant qu’elles peuvent avoir recours à des services partagés avec d’autres collectivités ou à des services d’assistance à la maîtrise d’ouvrage.
Recommandation n° 3 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à partager entre elles leurs retours d’expérience sur l’organisation concurrentielle des marchés d’assurance.
2. Recommandations visant à sécuriser la souscription des contrats d’assurance
Recommandation n° 4 : l’Autorité recommande de clarifier l’application du code de la commande publique aux marchés d’assurance des collectivités territoriales, par la formulation de consignes pratiques et juridiques claires à l’égard de ces dernières.
Recommandation n° 5 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à allonger les délais de réponses des assureurs à leurs appels d’offres.
Recommandation n° 6 : l’Autorité invite les collectivités territoriales à procéder à un étalement du processus de mise en concurrence et à assurer la publicité la plus large et la plus précoce possible sur le calendrier de leurs appels d’offres.
Recommandation n° 7 : l’Autorité recommande aux collectivités territoriales d’envisager systématiquement les possibilités d’allotissement avant de prendre les décisions relatives aux prochaines échéances de leurs contrats avec des opérateurs.
Un guide pratique en cours de refonte
Le guide pratique des marchés publics d’assurance, qui date de 2008, est en cours de refonte sous l’égide de la direction des affaires juridiques du Ministère de l’économie et des finances. Les travaux, qui associent les différentes parties prenantes, devraient se concrétiser au cours du 1er semestre 2025. Nous vous tiendrons informés de sa parution.
Ces recommandations, qui convergent avec celles des différents rapports sur le sujet de l’assurabilité des collectivités, doivent se concrétiser afin que toutes les collectivités trouvent une couverture d’assurance. Le Gouvernement [1] s’est engagé "à proposer, avec les représentants de la profession d’assureur, des solutions aux difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités territoriales" avec "une série d’actions concrètes, inspirées de tous ces travaux, pour que chaque collectivité, quelles que soient sa taille et son exposition au risque, puisse trouver une solution d’assurance adaptée."