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Les collectivités territoriales face aux enjeux assurantiels et de gestion des risques : synthèse illustrée et replay

En attendant la parution des actes au JCPA, retrouvez une synthèse illustrée et le replay de cette 23ème édition qui a réuni 400 participants intéressés par la problématique des enjeux assurantiels et de gestion des risques des collectivités. 

La 23ème édition du colloque de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale s’est tenue à Paris le 6 novembre sur le thème "Les collectivités territoriales face aux enjeux assurantiels et de gestion des risques : constats, perspectives et solutions".
 
La journée, illustrée par le caricaturiste de presse Jean Duverdier et animée par le journaliste territorial Bruno Leprat, a croisé le regard de 15 intervenants.
 
Les actes seront prochainement publiés dans la Semaine juridique administrations et collectivités territoriales (JCPA).
 
Photos : Nicolas FRIESS.
 
 
 
Jérome Baloge ouvre les travaux en soulignant que le terme "assurabilité", encore inconnu il y a peu de temps, a soudainement pris une dimension politique et concrète dans nos territoires.
 

Ce sujet a bien entendu une importance majeure pour SMACL Assurances, qui a été créée il y a 50 ans par des élus locaux précisément pour répondre aux besoins assurantiels des collectivités. En remerciant les partenaires de l’Observatoire SMACL d’avoir retenu cette thématique lors du comité scientifique de l’Observatoire au printemps dernier, Jérôme Baloge invite les intervenants à faire œuvre de pédagogie, de collégialité, tout en gardant le cap de la confiance en l’avenir.

 
A l’image du titre de la préface du rapport porté par Alain Chrétien et Jean-Louis Dagès, il est urgent de Reconstruire le dialogue et de Rétablir la confiance.
 

 

Alain Chrétien rappelle le diagnostic qui est à l’origine de la mission qu’il a coprésidée : la multiplication des événements climatiques et les émeutes de 2023 ont porté un coup fatal à l’assurabilité des collectivités locales. Il s’agit là de facteurs aggravants à une crise qui était sous-jacente, la baisse des tarifs constatée dans les années 2010 à 2020 ayant fragilisé le marché de l’assurance des collectivités.
 
Il souligne que si les assureurs sont partis du marché des collectivités c’est aussi parce que ce sont des entreprises privées soumises à la loi de la concurrence et à une exigence de rentabilité. La reconstruction d’un rapport de confiance ne passe pas par le rapport de force, ni la confrontation entre deux blocs dans une vision manichéenne. 
 
Il faut un constat partagé et des concessions réciproques. Les collectivités doivent : 
  • Mieux connaître leur patrimoine tant quantitativement que qualitativement ;
  • Mettre à jour leurs référentiels en adoptant ceux du privé comme par exemple le Q18 qui permet de contrôler qu’il n’y a pas d’échauffement électrique dans les bâtiments ; 
  • Former des agents au management des risques et créer officiellement en leur sein un manager des risques avec un rôle essentiel pour l’acculturation aux risques. 
En ce qui concerne l’articulation entre code de la commande publique et code des assurances, la mission préconise l’usage préférentiel de la procédure négociée plutôt que l’appel d’offres qui est aujourd’hui la norme. Il faut des contrats sur mesure et adaptés aux risques de chaque collectivité. 
 
Sur le sujet des émeutes, Alain Chrétien pointe le risque d’une France à deux vitesses avec des collectivités plus exposées qui risquent d’avoir du mal à trouver un assureur. C’est la double peine pour les communes concernées : non seulement elles sont victimes des violences urbaines mais en plus elles risquent de ne plus être en mesure de trouver un assureur. D’où l’impérieuse nécessité de mutualiser le risque émeute comme cela a été fait pour les catastrophes naturelles. Alain Chrétien évoque à cet égard la piste d’un élargissement du GAREAT, créé après les attentats du 11 septembre, au risque émeute :
 
Il existe aujourd’hui un risque de voir émerger une France à deux vitesses, certaines collectivités ne pouvant plus s’assurer, notamment dans les quartiers sensibles. Pour éviter cette double peine, nous proposons de mutualiser le risque émeute comme pour les catastrophes naturelles. Nous souhaitons donc élargir le GAREAT, le fonds créé après les attentats du 11 septembre 2001, au risque émeute, considérant ces événements comme exceptionnels et nécessitant une mutualisation nationale avec une garantie de l’État.
Il conclut en précisant que son rapport est entre les mains du cabinet du Premier ministre et qu’il a bon espoir que ses préconisations soient soutenues par le Gouvernement avec l’appui de toutes les parties prenantes. Il espère que de nouveaux acteurs pourront rejoindre les assureurs qui sont restés pendant la tempête aux côtés des collectivités, ce risque ne pouvant être concentré sur un nombre restreint d’opérateurs. 
 

Comment gérer les transferts (directs et indirects) de responsabilités et de charges aux collectivités ? 

A l’origine de l’assurance se trouve le risque, et à l’origine du risque se trouve la question de savoir qui doit payer et qui est responsable. 
 
En matière de transfert de contentieux lié aux transferts de responsabilité, Me Eric Landot présente trois cadres juridiques différents :
  •  Les régimes spécifiques régis par des textes comme la GEMAPI. Le risque de contentieux et de responsabilité est régi différemment d’un domaine à l’autre. 
  • Le domaine de l’intercommunalité et des syndicats mixtes. Le Conseil d’Etat a jugé que les contentieux matérialisés avant l’intercommunalisation ne sont pas transférés. Cela peut conduire à des stratégies où les communes lancent des recouvrements forcés juste avant le transfert, tout en retardant les contentieux potentiellement coûteux pour les transférer à l’intercommunalité. 
  • Le régime propre de la responsabilité pénale qui ne doit pas être occulté. Le cadre est posé par la loi Fauchon s’agissant des infractions non intentionnelles. La question peut se poser par exemple pour le transfert d’une station d’épuration qui déborde et qui cause des dommages de pollution ou pour un ralentisseur non conforme à l’origine d’un accident. Si l’équipement transféré n’est pas aux normes, le maire et le président d’intercommunalité peuvent être poursuivis conjointement comme coauteurs de l’infraction. C’est pourquoi il est nécessaire, lors de la réception d’un ouvrage défectueux, de documenter l’état des lieux pour se protéger. Le raisonnement est identique pour les équipements et ouvrages transférés par l’Etat aux collectivités. 
Albane Guignard Martin [1] souligne que la loi MAPAM a conduit son syndicat à gérer 16 km de digues en plus des 100 km existants alors que le décret précisant les modalités du transfert a été publié

fin novembre 2023 pour une application fin janvier 2024. Se posait notamment la question importante de la définition d’un ouvrage qui a un rôle réel sur les inondations. Ce qui est important en termes de responsabilité c’est l’état des ouvrages transférés. Si l’ouvrage est en bon état et assure suffisamment son rôle de protection, l’enjeu pour la collectivité est de l’entretenir pour qu’il continue à jouer son rôle. Si l’ouvrage n’est pas en bon état, la question est alors de savoir s’il faut le garder en tant que digue ou s’il ne vaut pas mieux le déclasser. Dans ce cas, il faut le neutraliser pour qu’il ne provoque pas de dégâts à cause d’une rupture intempestive. Pour éviter de mettre en danger des vies humaines, on ouvre ainsi des ouvrages ce qui conduit à une montée des eaux équilibrée mais à des inondations. "Pour protéger, on inonde". Ce qui peut également conduire à geler des parcelles à l’urbanisation. 

 
Une bonne digue c’est celle qui n’existe pas. La bonne digue c’est la résilience, c’est la culture du risque. Une bonne digue conçue pour une crue décennale, ne protègera jamais pour une crue centennale.

 

Elodie Alleau  [2] rappelle que les émeutes de 2023 ont été

particulièrement marquantes et impactantes pour SMACL Assurances : ce sont 650 dossiers qui ont été ouverts, avec une proportion importante de dossiers supérieurs à 100 000 euros pour un enjeu financier global de plus de 60 millions d’euros. Sur l’ensemble du territoire, plus de 50 000 émeutiers, dont 60 % de mineurs, ont causé près de millions d’euros de dégâts en 11 jours. En 2005, les émeutes avaient duré trois semaines. Celles de l’été 2023 ont été plus courtes mais plus intenses, avec un quasi-triplement du coût des dégâts. Les réseaux sociaux ont incontestablement joué un rôle dans l’organisation des émeutiers. 

 
Les émeutes de 2023 ont effectivement été un événement d’une ampleur exceptionnelle pour SMACL Assurances, qui avait déjà connu des émeutes en 2005. Cette situation a exacerbé les problématiques d’assurabilité. Nous avons traité 650 dossiers au total, dont un tiers concernait des véhicules et deux tiers des bâtiments publics, représentant un enjeu financier de plus de 60 millions d’euros.
 
Me Vincent Corneloup relève que 18 mois après les faits de nombreux dossiers pénaux sont encore en cours contre les émeutiers ce qui veut dire que les collectivités comme leurs assureurs doivent encore attendre pour savoir si

des auteurs vont être identifiés et si un recours à des chances de prospérer. 

Deux types de recours peuvent être intentés par les collectivités qui ont été victimes de ces violences :
- contre l’Etat qui peut être engagé jusqu’au 1er janvier 2028 ;
- contre l’auteur des infractions ou contre leurs parents s’ils sont mineurs ou leurs assureurs de responsabilité civile jusqu’en juillet 2028.
 
Je voudrais partager une anecdote : dans mon travail quotidien avec les maires, j’ai l’habitude de les observer dans différents états émotionnels, allant de l’énervement au dépit. Cependant, en plus de vingt ans d’exercice, je n’avais jamais vu un maire pleurer. Or, j’ai été confronté à cette situation : un homme de plus de 60 ans s’est effondré en larmes devant moi, déclarant : « Ils ont incendié notre mairie, et je sais qui c’est ». Il avait trouvé un stage pour cette personne seulement 15 jours auparavant. Il ne comprenait pas et avait perdu toute confiance. 
 
Nous ne sommes qu’au début de l’histoire pour l’indemnisation des collectivités. Pour les émeutes de 2005, beaucoup de jugements sont intervenus à partir de 2015.
Dans l’immense majorité des cas, les auteurs ne sont pas identifiés. Les seuls recours dont disposent les collectivités sont donc les recours contre l’Etat qui peuvent reposer sur trois fondements : 
  • sur le fondement de l’article L211-10 du code de la sécurité intérieure (CSI). Il prévoit que l’État est responsable des dommages causés aux personnes ou aux biens par les attroupements, qu’ils soient armés ou non. C’est un régime de responsabilité sans faute de l’Etat mais le juge administratif a une lecture très stricte de ce texte d’apparence très favorable aux collectivités. C’est un raisonnement au cas par cas auquel se livre le juge. L’idée générale est que l’Etat ne peut engager sa responsabilité que s’agissant des débordements à l’occasion de manifestations de nature politique, revendicative ou exprimant une émotion collective. En revanche il ne peut être tenu responsable des actes commis par des casseurs qui sont venus uniquement dans l’objectif de commettre des infractions. 
  •  pour défaut de mobilisation des forces de l’ordre ;
  •  pour faute lorsque l’Etat n’a pas rempli ses obligations. Dans certaines situations, il est en possible de penser que l’État a commis une faute avec un lien direct et certain avec le préjudice subi par les collectivités. 
 
 
Me Antoine Alonso liste quatre grands points de friction entre les deux réglementations : 
  •  la procédure de passation avec un culte de l’appel d’offres et la procédure négociée qui est freinée par la notion de "complexité" qui conditionne le recours à cette procédure. Il plaide pour que le futur guide pratique prenne une position assez ferme sur ce point au moins pour la branche dommage aux biens car les acheteurs et leurs conseils ont besoin de cet appui de la doctrine officielle ; 
  •  les collectivités sont en demande d’avoir un interlocuteur ce qui pose aussi un autre problème celui des critères de choix et l’importance de la valeur technique dans un contexte budgétaire très serré ;
  •  les contrats d’assurance des collectivités sont illisibles car souvent il y a deux blocs qui s’affrontent avec d’un côté le cahier des charges de la collectivité et de l’autre côté l’offre de l’assureur. Dans ces conditions la piste d’un CCAG spécifique aux marchés d’assurance mériterait selon lui d’être creusée ; 
  • l’exécution du marché avec comme point d’orgue l’arrêt du CE de juillet 2023 Grand port maritime de Marseille. Le droit des assurances permet à un assureur de résilier de manière unilatérale un marché d’assurance. Mais le Conseil d’Etat a considéré que l’acheteur public pouvait prolonger de manière unilatérale le contrat le temps nécessaire à la relance d’une mise en concurrence. Le Conseil d’Etat laisse en revanche un point en suspens, celui des conditions financières de cette prolongation. Toujours au niveau de l’exécution il y a la question des avenants : peut-on aller au-delà du fameux seuil de 10 % d’augmentation ? Un avis du CE rendu en 2022 dans le domaine de l’énergie a précisé qu’il était possible de modifier le prix par avenant et que la majoration pouvait aller jusqu’à 50 % en cas de circonstances imprévisibles. Parmi les circonstances imprévisibles, le Conseil d’Etat vise l’augmentation des dépenses exposées par l’opérateur économique ont dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat. 
Je souhaite que la doctrine officielle reconnaisse explicitement la complexité des marchés, notamment en matière de dommages aux biens. Ce point me semble essentiel. Les acheteurs conserveraient leur liberté de choix entre appel d’offres et procédure négociée, mais disposeraient d’une base solide en cas de contestation.
 

Denis Enjolras  [3] se demande s’il fallait marier la carpe et la lapin. Il fait le constat

d’une pénurie d’offres alors que le code de la commande publique part du postulat qu’il y a plusieurs offres à mettre en concurrence. De fait il a pu constater que, même au cours d’une procédure négociée, il n’était pas évident de trouver un assureur prêt répondre et à s’inscrire dans la négociation. Ce qui le conduit à se demander si un régime plus souple, similaire à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) européen, ne serait pas opportun. 

 
Mon expérience illustre une faille du système : en l’absence d’offres lors d’une négociation, la seule option est de provoquer une situation permettant la négociation directe. Je souhaite personnellement en informer le bureau de la réglementation de la commande publique de la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy. J’invite également les élus présents ayant travaillé sur ces sujets à relayer cette problématique. 
 
Maxime Bourgoin  [4], précise avoir participé en 2008 à la rédaction du guide des bonnes pratiques qui avait été rédigé en réaction aux émeutes de 2005. Nous sommes

une nouvelle fois en réaction avec ce nouveau guide en cours de préparation mais il estime que les premiers échanges sont très constructifs et encourageants. Il y a une vraie volonté entre assureurs et acheteurs publics d’avancer dans le bon sens et de trouver une solution. Il insiste également sur l’importance pour les acheteurs de bien définir leurs besoins ce qui permettrait à l’assureur de mieux se positionner. Sur la procédure négociée, il estime qu’il est nécessaire au préalable de savoir quels sont les bases et les éléments fondamentaux de la négociation. Il faudra un temps de conduite au changement du côté des assureurs compte-tenu du manque d’antériorité. Un partage d’expériences entre acheteurs et candidats pourrait être dans ce cadre profitable. Il insiste également sur l’importance de l’état de sinistralité et sur la nécessité de travailler sur des états de sinistrilité normés qui soient exploitables. 

 
En tant qu’assureurs, nous avons des besoins concrets en matière de compréhension et d’évaluation des risques. Nous avons beaucoup discuté des états de patrimoine, mais peu des états de sinistralité. Or, nous devons également connaître le passif des collectivités. Tel est l’objectif de la refonte du guide de bonnes pratiques. Il est nécessaire de développer des états de sinistralité normés, exploitables, offrant une vision historique de la collectivité.
 
Timothée Dumortier  [5] insiste sur la nécessité pour les collectivités d’inventorier leur patrimoine. A cette fin, il est possible de s’appuyer sur :
  • l’inventaire comptable et l’état de l’actif ;
  • l’inventaire physique : dans toutes les collectivités il y a un tableau excel qui fait un inventaire, aussi incomplet soit-il, du patrimoine ; 
  • la déclaration fiscale sur l’occupation du patrimoine. Les collectivités sont soumises à cette obligation et peuvent aussi se servir de cette déclaration pour voir les biens qui ont été identifiés par l’administration fiscale comme relevant de leur propriété. C’est le GMBI : gestion de mes biens immobiliers. 
  • depuis octobre 2024, la direction générale des finances publiques met à disposition de toutes les collectivités sur le portail gestion publique l’application BALTIC qui vous permet de faire remonter l’intégralité du patrimoine identifié comme relevant de votre collectivité au sein du service du cadastre. 
Ensuite il faut passer ces inventaires au tamis du service de publicité foncière. Il s’étonne que les élus locaux n’aient pas la même facilté d’accès au service de publicité foncière que les notaires car la procédure pour accéder au titre de propriété en l’état est assez chronophage. 
 
Il est important de souligner que le patrimoine d’une collectivité ne se limite pas aux biens identifiés au cadastre. Certains biens non cadastrés, relevant parfois du domaine public, sont difficiles à recenser, mais doivent également être pris en compte dans l’inventaire patrimonial.
 

 

 
 
Eva Kaplanis  [6] fait part

de son retour d’expérience lorsqu’elle intervient auprès des élus ou des fonctionnaires sur le sujet de l’assurance des collectivités. La question qui lui est posée à chaque fois, c’est : "allez-vous télécharger notre cahier des charges et nous apporter une réponse ?". Ce qui montre le grand désarroi des collectivités. Mais SMACL Assurances n’a pas la capacité de répondre à 100 % des appels d’offres sur le secteur des collectivités. En 2022, une centaine de collectivités nous ont saisi directement suite à une infructuosité. En 2023, ce sont plus de 500 collectivités qui se sont trouvées dans cette situation délicate compte tenu du désengagement de nombreux opérateurs. Il est donc indispensable que ce marché redevienne attractif pour que d’autres acteurs puissent répondre aux besoins des collectivités.

 
Il est important de revenir sur les causes et les raisons de cet atelier d’aujourd’hui : en tant qu’assureurs, nous constatons une aggravation exponentielle de la sinistralité depuis quatre ans, particulièrement concernant les événements climatiques. Alors que la moyenne des coûts liés à ces événements était d’environ 30 millions d’euros sur la période 2010-2020, nous avons atteint 100 millions en 2022 et plus de 50 millions en 2023. 

SMACL Assurances a travaillé avec les associations d’élus et de fonctionnaires, ainsi qu’avec ses sociétaires pour dégager des pistes de solution dans un esprit de coconstruction. 

 

Parmi les solutions, il est nécessaire de mieux partager le risque selon un dispositif à trois étages :

  • les collectivités conserveraient à leur charge les sinistres récurrents de faible intensité comme les traditionnels dommages causés par le passage de la débroussailleuse du fait de la projection de cailloux sur des véhicules. Cela peut paraître anecdotique, mais pour SMACL Assurances, ce que l’on appelle la "RC Cailloux", c’est une charge annuelle de 3 millions d’euros, ce qui n’est pas neutre. Les franchises dans les contrats d’assurance s’inscrivent également dans cette même logique.
  • le deuxième étage, c’est le rôle classique de l’assureur pour assurer l’aléa et être là dans les coups durs comme un incendie d’un bâtiment par exemple.
  • le troisième étage repose sur un mécanisme de solidarité nationale pour les sinistres d’une ampleur exceptionnelle comme nous l’avons vécu en 2023 pour les violences urbaines.
 

Déborah Claudon-Adam  [7] part du postulat encourageant que "chaque problème a sa solution" avec de la patience, de la persévérance et de la collégialité. Elle souligne que les risques des collectivités et des entreprises sont identiques :

 
Le risque incendie, c’est un risque incendie, il n’est pas "bleu-blanc-rouge" parce qu’il concerne une collectivité.
 

L’attractivité des collectivités passe par une transparence et une précision sur les risques. La première chose qui l’a interpellée à la lecture d’un cahier des charges d’assurance d’une collectivité, c’est l’extrême précision sur des données inutiles et une imprécision préjudiciable sur des données qui sont nécessaires et indispensables à l’assureur pour pouvoir coter

le risque et se positionner. Elle insiste sur la nécessité d’un travail de longue haleine alliant persévérance et constance. Ce n’est pas tous les cinq ans qu’il faut faire un inventaire de son patrimoine. Il faut de la constance pour construire quelque chose d’efficient. Le déploiement de la culture du risque doit être partagé à tous les échelons de la hiérarchie : élus, direction et agents. Ce n’est que par l’engagement de tous dans un esprit de coconstruction qu’il est possible d’avancer dans le bon sens. Les collectivités de petite taille n’ont certes pas les moyens d’être structurées comme une multinationale, mais elles présentent l’avantage d’être à taille humaine, ce qui facilite l’identification des risques par les agents et les élus. Une politique efficiente de prévention des risques est dans ces conditions moins complexe à mettre en place. Dans le pilotage assurantiel des collectivités, elle insiste sur la nécessité de se demander, au cas par cas, s’il est opportun de déclarer le sinistre à l’assureur, y compris si le montant du préjudice dépasse la franchise. Cela permet d’avoir une sinistralité moins importante, ce qui facilitera la reconduction du marché lorsqu’il arrivera à terme. Elle rappelle que le processus de management des risques repose sur 4 étapes :

  • l’identification des risques ;
  • l’analyse des risques en les cartographiant et en leur donnant une valeur ;
  • le traitement des risques où intervient le mécanisme d’assurance et la part de rétention de la collectivité, la suppression du risque quand c’est possible ou son acceptabilité ;
  • le suivi permanent des risques.

Lorsque ce mécanisme vertueux est enclenché, non seulement cela se traduit par une baisse de la sinistralité, mais cela permet aussi d’être plus au clair et de construire un cahier des charges beaucoup plus limpide pour les assureurs.

 

Thomas Cordeau [8] souligne l’importance du développement d’une culture du risque. Il constate qu’il y a encore beaucoup de travail avec une méconnaissance des nombreux dispositifs et du cadre réglementaire. Il faut dire que les textes sont nombreux et que les élus ruraux ont déjà de très nombreuses préoccupations quotidiennes. Il ne faut pas oublier, non plus, que 94 % des communes ont moins de 5000 habitants

 et n’ont pas nécessairement les moyens d’avoir une organisation étoffée. C’est pourquoi Territoires & prévention a pour ambition de faciliter le travail des élus en leur débroussaillant le terrain.

Territoire & prévention est une initiative lancée début 2023 au sein du BtoB du groupe MAIF au service des collectivités pour les aider à faire face aux enjeux climatiques. Dans les outils proposés, il y a le Prév-Score qui permet aux collectivités de diagnostiquer très simplement leur niveau de culture du risque autour de 3 items dont celui des obligations réglementaires. Ce parcours a été coconstruit avec des élus et se traduit, dans la restitution, avec un code couleur comme un DPE qui permet de se situer assez rapidement sur chaque item. Un entretien de 40 minutes permet un débriefing et de déclencher ensuite un plan d’action associé. Cet entretien permet à l’élu de se poser sur ces questions. Des territoires démonstrateurs ont également été initiés pour tester des solutions.

 
La principale motivation pour investir dans des dispositifs de prévention reste le retour sur investissement. En mettant en place ces mesures, il est possible de réduire significativement les coûts et dommages potentiels, dont une partie importante risquerait de rester à notre charge en raison des franchises élevées appliquées par les assureurs.
 

Il y a un fort retour sur investissement sur la prévention : pour un euro investi, c’est au minimum 7 euros de gagné. Il observe que les collectivités n’ont pas encore assez le réflexe de valoriser les dispositifs de prévention mis en place auprès des assureurs, notamment dans les dossiers techniques des marchés publics. Il faut aussi le valoriser auprès de la population.

 
 

Laurent Badone [9] remarque que pour maintenir une activité et une population sur un territoire, il faut de la protection et de la sécurité, d’où la nécessité d’une relation forte entre les collectivités et les assureurs.

 
Pour maintenir une activité et une population sur un territoire, voire favoriser son développement, il est essentiel d’assurer protection et sécurité. Aujourd’hui, quel que soit le type de territoire – urbain, littoral ou montagneux – ce besoin de protection et de sécurité est primordial et nécessite une relation étroite entre les collectivités et les assureurs.
 

La question de la taille de la collectivité est un paramètre important car toutes n’ont pas la capacité d’être suffisamment structurées pour avoir un manager de risques, mais quelles que soient les

configurations, la prévention est incontournable.

Il souligne qu’il reste 18 mois avant la fin du mandat, ce qui ouvre une fenêtre de tir significative : les projets de début de mandat sont lancés et c’est le bon moment de s’approprier et de travailler ces enjeux de prévention et de gestion des risques au sein de nos territoires. Il insiste sur la nécessaire anticipation pour ne pas subir les événements. Les plans d’adaptation de nos territoires sont à cet égard essentiels, par exemple pour les communes de moyenne montagne qui ont une économie tournée vers le ski. Il retient deux bonnes nouvelles des échanges de l’après-midi :

  • 1 euro investi dans la prévention = 7 euros de gains ;
  • Chaque problème a une solution.
 
 
 
 
 
 

Conclusion de Patrick Blanchard, directeur général de SMACL Assurances SA

Patrick Blanchard remercie les intervenants et les participants pour la grande qualité des échanges.

Il souligne que les rapports parlementaires et Dagès-Chrétien apportent des solutions concrètes et accessibles. Des actions ont déjà été engagées comme la refonte en cours du guide pratique de passation des marchés publics d’assurance. La création de l’Observatoire de l’assurabilité, sous l’égide de la CCR, mérite également d’être saluée et soutenue pour de premières solutions envisageables dès 2025. Certaines préconisations des rapports ont cependant été différées par la dissolution de l’Assemblée nationale. Aussi il invite toutes les parties prenantes à ne pas relâcher la pression pour que les recommandations de ces rapports de qualité ne restent pas lettres mortes :

 
 
Nous devons maintenir collectivement la pression pour que les recommandations de ces rapports de qualité soient mises en œuvre. Chacun à notre niveau, nous devons œuvrer pour concrétiser ces propositions (...) Malgré l’aggravation des risques, SMACL continue néanmoins d’être présente et de vous accompagner. Nous avons la conviction que ce marché est viable. Nous allons par conséquent continuer à œuvrer pour que les solutions concrètes évoquées soient mises en œuvre et que les différents rapports aboutissent. Nous travaillerons conjointement avec vous pour que ces éléments soient portés aux pouvoirs publics. L’Observatoire vous remercie de votre participation à cette 23e édition du colloque et vous donne rendez-vous dans six mois pour un point d’étape. Nous espérons pouvoir vous présenter alors les premières solutions opérationnelles mises en œuvre dans l’intérêt des collectivités et des assureurs.
 

 

[1Directrice du Syndicat Mixte de gestion de la Seine Normande

[2Directrice indemnisations de SMACL Assurances SA

[3Directeur des Affaires Juridiques et de la Commande Publique de la ville de Bron, Président de l’Association nationale des juristes territoriaux (ANJT)

[4Responsable souscription SMACL Assurances SA

[5Chef de service Immobilier au Conseil départemental de Vaucluse

[6Directrice développement SMACL Assurances SA

[7Consultante en risk management et assurance

[8Pilote prévention BtoB du groupe MAIF, Territoires et prévention

[9Directeur général des services, manager de transition