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Corruption et achats disproportionnés : quel préjudice pour la collectivité ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 mai 2009, N° 08-87354

Le maire qui a procédé à des achats disproportionnés par rapport aux besoins réels de la commune peut-il être condamné à indemniser la collectivité d’une somme correspondant à ce sur-équipement et aux frais générés par la résiliation des contrats ?


 [1]

A la suite d’un rapport accablant de la chambre régionale des comptes, le maire d’une commune du Nord (4000 habitants) est poursuivi pour favoritisme, corruption passive et détournement de bien public. L’élu est condamné à 8000 euros d’amende, ce que confirme la Cour de cassation [2].

1° Sur les faits de favoritisme

Il est reproché au maire d’avoir, de 1993 à 1996, procuré un avantage injustifié à deux entreprises, en leur attribuant des marchés, en violation des règles du code des marchés publics relatives à la mise en concurrence. Pour retenir la culpabilité de l’élu, les juges relèvent :

 que les fournitures relevant de la même activité professionnelle, acquises par la commune au cours des années 1993 et 1994, sous la forme d’achats sur factures, ont dépassé le seuil alors en vigueur ;

 que la mise en concurrence a été organisée de telle manière que la société adjudicataire était seule en mesure de répondre au marché ;

 qu’il a été maire de cette commune depuis 1989 (précédemment adjoint et conseiller municipal en 1977) et qu’il ne peut sérieusement soutenir ne pas avoir agi en connaissance de cause en se prévalant d’une forme d’incompétence ou d’ignorance. Peu importe à cet égard, l’absence d’avertissement de son secrétaire général ou la lettre d’avertissement du comptable public adressée seulement en novembre 1994 sur le dépassement du seuil des 300 000 francs.


2° Sur les faits de corruption

Pour condamner l’élu, les magistrats relèvent que le montant total des marchés d’environ 3 millions de francs passés entre la société et la commune pour quinze photocopieurs était disproportionné au regard des besoins réels de celle-ci et que les chèques tirés sur le compte de la société, au bénéfice de... l’amante du maire ont été précédés de documents signés, reconnaissant expressément la perception de commissions, antérieurement à l’attribution du marché. Au vu des déclarations et témoignages recueillis, les juges en déduisent que le pacte de corruption était antérieur à l’acte qu’il avait pour objet de rémunérer, en l’espèce, la passation du premier marché de fourniture de matériels de bureautique et que les sommes versées à la maîtresse du maire n’avaient d’autre objet que l’intervention de cette dernière auprès du maire de la commune pour l’obtention dudit marché !


3° Sur les faits de détournement de biens publics

Reconnaissant implicitement que l’achat de quinze photocopieurs était manifestement disproportionné pour les besoins de la commune, le maire avait prêté un photocopieur à un ami restaurateur. Pour ces faits ils est condamné pour détournement de biens publics ayant ainsi « mis à la disposition d’un de ses amis, pendant plusieurs mois, un photocopieur loué et payé par la mairie ».


4°Constitution de partie civile de la commune

Les trois prévenus [3] sont condamnés à verser près de 400 000 euros de dommages-intérêts à la commune. En effet, les faits de corruption ont conduit à un équipement disproportionné de la commune par rapport à ses besoins réels et la collectivité à dû supporter des frais résultant de la résiliation des contrats.

[1Photo : © Marc Dietrich

[2Cour de cassation, chambre criminelle, 20 mai 2009, N° 08-87354

[3Le maire, son amante et le dirigeant de la société corruptrice