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Reprise d’une activité confiée à une association : quel sort des contrats de travail ?

Cour de cassation , chambre sociale, 17 juin 2009, N° 08-42615

Reprise d’une activité confiée à une association : qu’est-ce qu’une entité économique autonome ? Quelles sont les incidences de cette qualification sur les contrats de travail ? La poursuite du travail vaut-elle acceptation tacite du changement d’employeur ?


 [1]

Une ville passe pour l’exploitation de son théâtre un marché public dit "d’assistance technique, administrative et culturelle au fonctionnement du théâtre municipal" avec une association. Dans le cadre de l’exécution de ce marché, l’association met à la disposition de la ville deux de ses salariés qui exercent les fonctions de directeur et de directeur adjoint du théâtre. Le marché est résilié au 31 mars 2005.

Dans un premier temps, le maire recrute, par voie d’arrêtés, les deux salariés à titre permanent à temps complet au sein des services de la ville à compter du 1er avril 2005, en qualité de directeur et de directeur adjoint des théâtres municipaux, agents non titulaires de droit public, avec reprise de leur ancienneté acquise au sein de l’association.

Dans un second temps, à compter du 18 juillet 2005, les deux directeurs sont engagés par la ville selon contrat de travail à durée déterminée.

Entre temps, les deux arrêtés initiaux ont fait l’objet d’une décision de sursis à exécution par ordonnance de référé du président du tribunal administratif du 20 mai 2005. Ils seront de fait annulés par jugement de cette même juridiction du 29 mai 2006.

Estimant avoir ainsi fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse de la part de l’association, l’un des directeurs saisit la juridiction prud’homale de demandes indemnitaires à titre principal contre l’association et à titre subsidiaire contre la ville.

Pour sa défense, l’association invoque les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail aux termes duquel « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur (…) tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ». Elle prétend également, qu’en poursuivant son travail, le directeur a accepté le changement d’employeur.

La Cour d’appel de Douai rejette les arguments et considère que l’association a rompu unilatéralement le contrat de travail du directeur. Cette rupture s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet au 31 mars 2005, l’association est condamnée à payer au salarié des indemnités de licenciement, ainsi qu’à rembourser à l’Assedic des indemnités de chômage.

La Cour de cassation [2] confirme cette analyse et rejette le pourvoi de l’association :

 « l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, ne s’applique qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ». « Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; (…) le transfert d’une telle entité ne s’opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ».

 Or, en l’espèce, la ville n’a jamais cessé d’exploiter son théâtre avec son personnel et ses moyens et l’association s’est bornée à mettre à sa disposition deux de ses salariés pour participer à son fonctionnement culturel et administratif, leur mission consistant à participer à la programmation du théâtre, négocier des contrats de spectacle et informer le public. A la fin du marché, la situation juridique du théâtre est restée identique, cet établissement continuant d’être exploité par la ville. L’article L. 1224-1 du code du travail n’est donc pas applicable.

 « le transfert du contrat de travail d’un salarié d’une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du travail ».

[1Photo : © Gilles Cohen

[2Cour de cassation , chambre sociale, 17 juin 2009, N° 08-42615