
Dernière mise à jour le 13/04/2023
Pour favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics, la loi du 30 mars 2023 ouvre le mécanisme du tiers-financement à l’Etat, à ses établissements publics ainsi qu’aux collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. Son objet est d’expérimenter pendant cinq ans un régime dérogeant à l’interdiction de principe du paiement différé dans le droit de la commande publique pour massifier la rénovation énergétique des bâtiments publics. Décryptage du nouveau dispositif.
La loi n° 2023-222 du 30 mars 2023 vise deux objectifs :
– lever les freins à l’investissement qui résultent du coût élevé des travaux de rénovation énergétique ;
– favoriser l’atteinte des objectifs de réduction de la consommation d’énergie des bâtiments publics d’au moins 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, par rapport à 2010, comme le prévoit la loi de 2018 dite "ÉLAN".
Le parc immobilier des collectivités à rénover représente environ 280 millions de mètres carrés [1].
Pour atteindre ces objectifs, le législateur autorise les acheteurs publics à utiliser le tiers-financement pour réaliser des travaux de rénovation énergétique des bâtiments et faciliter ainsi le recours aux contrats de performance énergétique. Toutefois, il encadre le recours au dispositif afin de prévenir les risques de surendettement.
![]() En février le Sénat a lancé une mission d’information sur le thème du "Bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique". La mission identifiera les difficultés rencontrées par les décideurs locaux dans leurs démarches et les bonnes pratiques qu’ils ont initiées dans ce domaine. Les conclusions sont attendues pour juin 2023. |
Faciliter le recours aux contrats de performance énergétique par un dispositif dérogatoire au code de la commande publique
Le contrat de performance énergétique (CPE) a été mis en place par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Le CPE est un contrat passé entre une maîtrise d’ouvrage (privée ou publique qui porte le projet) et des opérateurs spécialisés dans les services énergétiques. Il répond aux objectifs du Grenelle et a pour but d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment grâce à des investissements dans des travaux, des fournitures ou des services. Ces performances énergétiques sont préalablement fixées (exemple : une baisse de 25 % des consommations d’énergie est attendue au bout de 2 ans, après travaux d’une chaufferie, par rapport à une consommation de référence). Ce contrat n’est pas soumis à l’obligation d’allotissement.
Mais, ce dispositif a été très peu utilisé par les acheteurs publics : sur les quinze dernières années, seuls 380 CPE ont été conclus, soit une moyenne annuelle de 25 CPE.
Pour accélérer le mouvement, la loi instaure un outil juridique autorisant les contractants publics à décaler le paiement des travaux.
Le dispositif créé par le législateur permet ainsi aux collectivités territoriales et aux intercommunalités de conclure des contrats de performance énergétique (CPE) sous la forme d’un marché global de performance (MGP) prévu à l’article L. 2171-3 du Code de la commande publique pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments.
« Un marché global de performance peut être conclu pour la réalisation d’une opération répondant aux besoins d’une autre personne morale de droit public ou de droit privé en vue de l’exercice de ses missions. Dans ce cas, une convention est signée entre l’acheteur et la personne morale pour les besoins de laquelle le marché global de performance est conclu » (article 2 II).
Et dans le cadre de ces contrats, la loi ouvre aux acheteurs publics la possibilité de recourir au paiement différé des travaux par le mécanisme du tiers-financement.
« L’Etat et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements peuvent conclure des contrats de performance énergétique dérogeant aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique, sous la forme d’un marché global de performance mentionné à l’article L. 2171-3 du même code, pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments » (article 1er de la loi).

« Le tiers-financement permet à l’acheteur public de faire reposer sur un tiers, qui peut être soit l’entreprise titulaire du contrat, soit une société de tiers-financement, soit un organisme financier, le financement initial des travaux, puis de ne s’acquitter de sa dette qu’une fois les travaux terminés, selon une échéance définie contractuellement » [2].
Ce mécanisme ajoute une dérogation [3] au principe posé dans le Code de la commande publique [4] interdisant tout paiement différé dans les marchés passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. Cette règle de principe vise à prévenir un endettement occulte des personnes publiques et le Conseil d’Etat s’est montré vigilant quant à son respect [5]. Mais cette règle a aussi des inconvénients en ce qu’elle ne permet pas de lisser le coût des travaux sur la durée du marché et ne sécurise pas l’acheteur public. L’intérêt du paiement différé dans un CPE est de permettre à l’acheteur de faire peser sur le titulaire du marché le risque qu’il n’atteigne pas la performance énergétique à laquelle il s’est engagé contractuellement. Si le titulaire du marché n’atteint pas l’objectif de performance fixé, l’acheteur public pourra agir directement sur le prix restant à payer sans avoir à émettre de titre exécutoire.
![]() Concernant le suivi des des actions de performance énergétique, la loi précise que lorsque le contrat porte sur plusieurs bâtiments, les résultats des actions de performance énergétique sont suivis de manière séparée pour chaque bâtiment. |
Favoriser les synergies locales : prise en charge des travaux de rénovation et des études par les EPCI ayant adopté le plan climat-air-énergie territorial et les syndicats d’énergie
🔶 Rappel : aux termes de l’article L.2224-34 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) les EPCI ayant adopté le plan climat-air-énergie territorial et les syndicats d’énergie peuvent prendre en charge, pour le compte de leurs membres, tout ou partie des travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique des bâtiments dont ces membres sont propriétaires. Ces personnes publiques (la métropole de Lyon est également concernée) peuvent assurer le financement de ces travaux.
🔶 Apports de la loi :
D’une part, la loi élargit la prise en charge aux études visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments publics (études qui précèdent généralement les travaux de rénovation énergétique).
D’autre part, la loi ouvre à ces personnes publiques (EPCI et syndicats d’énergie) la possibilité d’en assurer le tiers-financement :
« Les contrats mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être conclus pour la prise en charge des travaux prévue au dernier alinéa de l’article L. 2224-34 du code général des collectivités territoriales » (article 1 alinéa 2).
Il s’agit d’une faculté, la prise en charge fait l’objet d’une convention avec les membres bénéficiaires (article L. 2224-34 du CGCT).
Loi d’accélération sur les énergies renouvelables : nouvelles prérogatives des collectivités territoriales |
Un dispositif encadré pour éviter tout risque de surendettement
Le texte encadre le mécanisme par des précautions visant à identifier clairement les coûts et la dette que représenteront ces nouveaux contrats.
Ainsi, le marché global de performance doit préciser les conditions dans lesquelles sont pris en compte et identifiés :
– Les coûts d’investissement, notamment les coûts d’étude et de conception, les coûts de construction, les coûts annexes à la construction et les frais financiers intercalaires ;
– Les coûts de fonctionnement, notamment les coûts d’entretien, de maintenance et de renouvellement des ouvrages et des équipements ;
– Les coûts de financement ;
– Le cas échéant, les revenus issus de l’exercice d’activités annexes ou de la valorisation du domaine (article 1er de la loi).
De plus, l’article 1er de la loi précise que les documents budgétaires des collectivités territoriales ou des établissements publics concernés sont assortis de deux nouvelles annexes :
– une annexe retraçant l’ensemble des engagements financiers résultant des contrats de performance énergétique conclus dans le cadre de ce nouvel outil ;
– une annexe retraçant la dette liée à la part d’investissements de ces contrats.
Modalités de passation et d’exécution des contrats
Les modalités de passation et d’exécution des contrats conclus dans le cadre de l’expérimentation sont inspirées des marchés de partenariat.
🔶 L’acheteur public peut mettre en place un groupement :
« Lorsque la réalisation d’un projet relève simultanément de la compétence de plusieurs acheteurs, ces derniers peuvent désigner par convention celui d’entre eux qui conduira la procédure de passation et, éventuellement, signera le contrat et en suivra l’exécution. Le cas échéant, cette convention précise les conditions de ce transfert de compétences et en fixe le terme. » (Article 2 III).
🔶 Des études à réaliser
Pour s’assurer de la soutenabilité financière du projet, le recours à cette expérimentation est conditionnée par :
🔸 La réalisation d’une étude préalable (article 2 IV)
Cette étude préalable a pour objet de démontrer l’intérêt du recours à un tel contrat.
Ainsi : « la procédure de passation de ce marché ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que le recours à d’autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique. Le critère du paiement différé ne peut à lui seul constituer un avantage ».
Cette étude préalable est soumise pour avis à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du Code de la commande publique.
Un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application.
🔸 La réalisation d’une étude de soutenabilité budgétaire (article 2 V)
Cette étude apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits.
L’ étude est soumise pour avis au service de l’Etat compétent.
Lorsque le marché global de performance est conclu pour les besoins de plusieurs personnes morales, l’étude de soutenabilité budgétaire précise les engagements financiers supportés par chacune d’elles.
L’étude préalable, l’étude de soutenabilité budgétaire ainsi que les avis sur celles-ci sont présentés à l’assemblée délibérante de la collectivité concernée ou à l’organe délibérant de l’établissement public concerné qui se prononce sur le principe du recours à un marché global de performance (article 2 VII).
🔶 Ajustement de l’offre (article 2 IX) et présentation du financement définitif de l’offre (article 2 X)
« L’acheteur peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l’offre finale présentent un caractère ajustable.
Ces ajustements ne peuvent avoir pour effet ni de remettre en cause les conditions de mise en concurrence en exonérant l’acheteur de l’obligation de respecter le principe du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ni de permettre au titulaire pressenti de bouleverser l’économie de son offre.
L’ajustement de l’offre ne porte que sur la composante financière du coût global du contrat et est seulement fondé sur la variation des modalités de financement, à l’exclusion de tout autre élément ».« Le soumissionnaire auquel il est envisagé d’attribuer le marché global de performance présente le financement définitif dans un délai fixé par l’acheteur.
A défaut, le marché global de performance ne peut lui être attribué et le soumissionnaire dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai ».
🔶 Autorisation de signature du marché
L’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou l’organe délibérant de l’établissement public local autorise la signature du marché global de performance

par l’organe exécutif (article 2 XII).
🔶 Durée du marché
La durée du marché global de performance est déterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues (article 2 XIV).
🔶 Informations
Une fois signés, les marchés globaux de performance et leurs annexes sont communiqués à l’organisme expert mentionné à l’article L. 2212-2 du code de la commande publique. Les informations et documents communiqués ne sont utilisés qu’à des fins de recensement et d’analyse économique.
🔶 Annulation ou résiliation du marché par le juge suite au recours d’un tiers (article 2 XVI et XVII)
Si le marché global de performance est annulé ou résilié par le juge suite au recours d’un tiers, le titulaire peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’acheteur.
« Parmi ces dépenses figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du marché, y compris, le cas échéant, les coûts pour le titulaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat.
La prise en compte des frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les annexes au marché global de performance, des principales caractéristiques des financements à mettre en place pour les besoins de l’exécution du marché ».
Il est également précisé que lorsqu’une clause du marché global de performance fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation ou de résiliation du contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat
🔶 Mécanisme de cession de créances dite « Dailly » (article 2 XIX)
Enfin, la rémunération due par l’acheteur dans le cadre du marché global de performance peut être cédée conformément aux articles L. 313-29-1 et L. 313-29-2 du Code monétaire et financier.
Le mécanisme de cession de créances dite « Dailly » est donc applicable pour ces marchés globaux de performance à paiement différé.
Ce mécanisme de garantie permet de réduire le coût du financement de ces contrats, tout en s’assurant que les prêteurs et investisseurs concernés restent incités à atteindre les objectifs de performance qui leur sont assignés (selon l’amendement n°20 qui avait été déposé par le Gouvernement).
Suivi de l’expérimentation par le Gouvernement (article 3)
Ce dispositif est ouvert à titre expérimental pendant une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
Le dispositif expérimental fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation par le Gouvernement dans la perspective de sa prorogation ou pérennisation à l’issue des

cinq ans.
Ainsi, la loi prévoit un bilan à mi-parcours : en effet le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les contrats conclus.
Puis, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, ce rapport est mis à jour et à nouveau transmis au Parlement.
Le rapport devra examiner notamment :
« 1° Le nombre et la destination des bâtiments publics ayant fait l’objet de travaux de rénovation énergétique par le recours à ces contrats ;
2° Les économies d’énergie réalisées du fait des travaux de rénovation énergétique effectués dans le cadre de ces contrats ;
3° L’atteinte des objectifs chiffrés de performance énergétique définis dans ces contrats ;
4° La qualité et la quantité de la sous-traitance dans ces contrats ;
5° L’accès à ces contrats par catégorie d’entreprises, au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ;
6° Le recours à ces contrats par catégorie de collectivités territoriales, notamment par les communes de moins de 3 500 habitants ayant eu recours à la mutualisation de plusieurs opérations entre différentes communes ;
7° La participation des usagers du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet des contrats conclus en application de l’article 1er de la présente loi, au stade de leur passation comme de leur exécution ;
8° L’association des agents du service public en lien avec les bâtiments publics faisant l’objet de ces contrats, au stade de leur passation comme de leur exécution ;
9° L’accompagnement des acheteurs publics, en particulier les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, notamment pour la passation et l’exécution de ces contrats ;
10° Les conséquences budgétaires desdits contrats sur les finances des acheteurs publics concernés ».
![]() Le dispositif expérimental est applicable, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. Toutefois, seuls les marchés passés par l’Etat ou ses établissements publics sont concernés. |
Loi n°2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique
📙 Pour aller plus loin
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