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Gestion de crise : les nouvelles obligations des communes depuis la "loi Matras"

Dernière mise à jour le 9 septembre 2022

La loi n°2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels (dite loi Matras) impose aussi de nouvelles obligations aux communes dans la gestion de crise. Tour d’horizon de ce qui change.

 [1]

Nouvelles obligations d’informations à la charge des communes

1° L’article 10 de la loi (modifie l’article L. 125-2 du code de l’environnement) contraint les communes exposées à au moins un risque majeur de contribuer à l’information par la mise à disposition du public des informations dont elles disposent. Jusqu’à présent, cette obligation ne s’appliquait qu’aux communes couvertes par un PPRN (plan de prévention des risques naturels).

Désormais dans les communes exposées à au moins un risque majeur, le maire doit communiquer à la population, par tout moyen approprié :
 les caractéristiques du ou des risques majeurs ;
 les mesures de prévention ;
 les modalités d’alerte et d’organisation des secours ;
 le cas échéant, les modalités de sauvegarde, en application de l’article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure ;
 les garanties prévues à l’article L. 125-1 du code des assurances.

🔎Article L125-1 du code des assurances

« Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l’objet de tels contrats.

En outre, si l’assuré est couvert contre les pertes d’exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant.

Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises.

L’état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s’est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l’Etat dans le département, assortie d’une motivation. L’arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l’Etat dans le département est supérieure à deux mois, l’arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile.

Aucune demande communale de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ne peut donner lieu à une décision favorable de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel lorsqu’elle intervient dix-huit mois après le début de l’événement naturel qui y donne naissance. Ce délai s’applique aux événements naturels ayant débuté après le 1er janvier 2007. Pour les événements naturels survenus avant le 1er janvier 2007, les demandes communales de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle doivent être déposées à la préfecture dont dépend la commune avant le 30 juin 2008.

Les cavités souterraines considérées peuvent être naturelles ou d’origine humaine. Dans ce dernier cas, sont exclus de l’application du présent chapitre les dommages résultant de l’exploitation passée ou en cours d’une mine. »

2° Le même article impose aux communes exposées à au moins un risque majeur, une information sur les risques et les mesures de sauvegarde affichée dans certaines catégories de locaux et de terrains, notamment au regard des caractéristiques du risque ou du caractère non permanent de l’occupation des lieux. Un décret doit préciser les contours de cette obligation.

Extension des communes soumises aux plans communaux de sauvegarde (PCS)

La réalisation d’un plan communal de sauvegarde (PCS) n’était jusqu’ici obligatoire que pour les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN) ou comprises dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention (risque technologique). Cette obligation est désormais étendue aux communes exposées à d’autres risques naturels dont l’intensité ou la soudaineté le rendent nécessaire. Sont visées les communes concernées par « un risque important d’inondation », celles qui sont exposées au risque volcanique ou sismique, les communes d’outre-mer exposées au risque cyclonique, et les communes dont le territoire comprend une forêt exposée au risque incendie.

La mise en œuvre du PCS devra faire l’objet d’un exercice au moins tous les 5 ans associant les communes et les services concourant à la sécurité civile. Dans la mesure du possible, cet exercice devra aussi impliquer la population. Les modalités précises de cet exercice seront définis par décret. Cette extension de l’obligation du PCS est très signifcative. Jusqu’à présent un peu plus de 10 000 communes étaient concernées.

💥Une commune qui n’est pas soumise à l’obligation d’avoir un PCS peut bien entendu s’y soumettre librement. Rappelons cependant que dans ce cas elle ne peut pas s’affranchir des règles édictées.
🔎Nouvel article Art. L. 731-3.-I. du code de l’environnement

« -Le plan communal de sauvegarde prépare la réponse aux situations de crise et regroupe l’ensemble des documents de compétence communale contribuant à l’information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l’organisation nécessaire à la diffusion de l’alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de soutien de la population.
« La mise en place, l’évaluation régulière et les éventuelles révisions du plan communal de sauvegarde peuvent être assurées par un adjoint au maire ou un conseiller municipal chargé des questions de sécurité civile désigné par le maire ou, à défaut, par le correspondant incendie et secours.
« Le plan communal de sauvegarde s’articule avec le plan Orsec mentionné à l’article L. 741-2.
« Il est obligatoire pour chaque commune :
« 1° Dotée d’un plan de prévention des risques naturels ou miniers prévisibles prescrit ou approuvé ;
« 2° Comprise dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention ;
« 3° Comprise dans un des territoires à risque important d’inondation prévus à l’article L. 566-5 du code de l’environnement ;
« 4° Reconnue, par voie réglementaire, comme exposée au risque volcanique ;
« 5° Située dans les territoires régis par l’article 73 de la Constitution ou les territoires de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et exposée au risque cyclonique ;
« 6° Concernée par une zone de sismicité définie par voie réglementaire ;
« 7° Sur laquelle une forêt est classée au titre de l’article L. 132-1 du code forestier ou est réputée particulièrement exposée.
« La mise en œuvre des mesures de sauvegarde relève de chaque maire sur le territoire de sa commune.
« II.-Le plan communal de sauvegarde est arrêté par le maire et, à Paris, par le préfet de police.
« III.-Tous les cinq ans au moins, la mise en œuvre du plan communal de sauvegarde fait l’objet d’un exercice associant les communes et les services concourant à la sécurité civile. Dans la mesure du possible, cet exercice implique aussi la population.
« Un décret pris après avis de l’Association des maires de France, de l’Association des maires ruraux de France et de l’Assemblée des communautés de France détermine les modalités d’organisation de cet exercice. »

Plan intercommunal de sauvegarde obligatoire et non supplétif

Un plan intercommunal de sauvegarde (PIS) est rendu obligatoire, dans les cinq ans, pour tous les EPCI à fiscalité propre "dès lors qu’au moins une des communes membres est soumise à l’obligation d’élaborer un plan communal de sauvegarde".

Il doit prévoir :
 la mobilisation et l’emploi des capacités intercommunales au profit des communes ;
 la mutualisation des capacités communales ;
 La continuité et le rétablissement des compétences ou intérêts communautaires.

Il doit en outre s’articuler avec le plan Orsec.

Le plan intercommunal doit être arrêté par le président de l’établissement public et par chacun des maires des communes dotées d’un plan communal de sauvegarde. Il est révisé dans les mêmes formes lorsque toute commune qui n’en était pas partie initialement adopte à son tour un plan communal de sauvegarde.

Comme pour le PCS, la mise en œuvre du plan intercommunal de sauvegarde fait l’objet d’un exercice associant les communes, les services concourant à la sécurité civile, et "dans la mesure du possible", la population.

💥Attention : le PIS ne vient plus comme avant en remplacement du plan communal, mais constitue un niveau supplémentaire, le président de l’EPCI devant s’assurer de la bonne articulation entre les deux plans.

Désignation dans chaque commune d’un correspondant incendie & secours

Chaque conseil municipal devra désormais désigner un correspondant incendie et secours sauf s’il compte un adjoint au maire ou un conseiller municipal chargé des questions de sécurité civile. Cette nouveauté a été introduite par amendement parlementaire.

Ce correspondant doit être l’interlocuteur privilégié du service départemental ou territorial d’incendie et de secours dans la commune sur les questions relatives à la prévention, la protection et la lutte contre les incendies. Il a pour missions l’information et la sensibilisation du conseil municipal et des habitants de la commune sur l’ensemble des questions relatives à la prévention et à l’évaluation des risques de sécurité civile, à la préparation des mesures de sauvegarde, à l’organisation des moyens de secours, à la protection des personnes, des biens et de l’environnement et aux secours et soins d’urgence aux personnes victimes d’accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi qu’à leur évacuation.

Le décret du 29 juillet 2022 (Décret n°2022-19091) clarifie les modalités de création et d’exercice de cette nouvelle fonction qui n’ouvre droit à aucune rémunération supplémentaire.

Ainsi, le nouvel article D.731-14 du Code de la sécurité intérieure créé par le décret précise que la désignation du correspondant incendie et secours (désignation par le maire parmi les adjoints ou les conseillers municipaux) intervient :

 dans les six mois qui suivent l’installation du conseil municipal ;
 en cas de vacance de la fonction de correspondant incendie et secours, lors de la première réunion du conseil municipal qui suit cette vacance ;
 pour les mandats en cours dans un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du décret.

Les communes ont donc jusqu’au 1er novembre pour se mettre en conformité.

Le maire doit communiquer le nom du correspondant incendie et secours au représentant de l’Etat dans le département et au président du conseil d’administration du service d’incendie et de secours.

Dans le cadre de ses missions d’information et de sensibilisation des habitants et du conseil municipal, le correspondant incendie et secours peut, sous l’autorité du maire :

 participer à l’élaboration et la modification des arrêtés, conventions et documents opérationnels, administratifs et techniques du service local d’incendie et de secours qui relève, le cas échéant, de la commune ;
 concourir à la mise en œuvre des actions relatives à l’information et à la sensibilisation des habitants de la commune aux risques majeurs et aux mesures de sauvegarde ;
 concourir à la mise en œuvre par la commune de ses obligations de planification et d’information préventive ;
 concourir à la définition et à la gestion de la défense extérieure contre l’incendie de la commune.

🔎Nouveau correspondant incendie et secours dans les communes : des attributions qui ne sont pas neutres en termes de responsabilité

Contrat territorial de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces (COTRIM) et pacte capacitaire

Le titre Ier du livre Ier code de la sécurité intérieure est complété par un chapitre 6 consacré aux COTRIM qui sont désormais institutionnalisés. Ils s’inscrivent dans une démarche multisectorielle de préparation à la gestion des crises.
Leur objet est de :
 dresser l’inventaire des risques et des effets potentiels des menaces de toute nature susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes, des biens et de l’environnement et aux besoins des populations ;
 définir des objectifs à atteindre pour y faire face ;
 recenser l’ensemble des capacités des acteurs publics et privés pour répondre à ces objectifs ;
 déterminer la réponse capacitaire globale, dans une logique de juste suffisance et de complémentarité des moyens, et d’identifier les ruptures capacitaires.

Ces contrats territoriaux de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces sont élaborés et révisés, au niveau départemental et au niveau zonal, sous l’autorité respectivement du représentant de l’Etat dans le département et du représentant de l’Etat dans la zone de défense et de sécurité.

💥 L’Etat, les collectivités territoriales et les services d’incendie et de secours peuvent conclure une convention, dans chaque département, afin de répondre aux fragilités capacitaires face aux risques particuliers, à l’émergence et à l’évolution des risques complexes, identifiées dans les contrats territoriaux de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces. Cette convention, intitulée pacte capacitaire, précise la participation financière de chacune des parties signataires. Dans ce cadre, l’Etat peut recourir à la dotation de soutien aux investissements structurants des services d’incendie et de secours prévue à l’article L. 1424-36-2 du code général des collectivités territoriales.

Suppression de l’incompatibilité entre les fonctions de maire ou d’adjoint et de sapeur-pompier volontaire dans la même commune

L’article L2122-5-1 du CGCT déterminait un seuil d’incompatibilité entre les fonctions de maire ou d’adjoint et celle de sapeur pompier volontaire dans la même commune :

« L’activité de sapeur-pompier volontaire est incompatible avec l’exercice, dans la même commune, des fonctions de maire dans une commune de 3 500 habitants et plus ou d’adjoint au maire dans une commune de plus de 5 000 habitants ».

Cette incompatibilité avait été justifiée par les pouvoirs de direction des secours que détient le maire au titre de la police municipale, en application notamment des articles L. 1424-3 et L. 1424-4 du CGCT. De fait si un maire ou un adjoint se trouvait dans une de ces situations, son engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire était alors suspendu au vu des dispositions de l’article R. 723-46 du code de la sécurité intérieure (l’engagement du sapeur-pompier volontaire est suspendu dans le cas des incompatibilités prévues aux articles L. 1424-24 et L. 2122-5-1 du code général des collectivités territoriales).

Cette incompatibilité était d’autant moins comprise que parallèlement il n’y avait aucune incompatibilité avec les mêmes fonctions électives et celle de sapeur pompier professionnel. En outre la loi du 13 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours les a organisés à l’échelle du département, le sapeur-pompier volontaire étant donc amené à intervenir sur l’ensemble du territoire départemental, et non pas uniquement sur le territoire de la commune sur laquelle il exercerait un mandat. Avec des difficultés d’interprétation sur l’étendue de l’incompatibilité, un doute persistant sur le point de savoir si le sapeur-pompier volontaire devait suspendre son activité seulement sur le territoire de la commune ou bien sur tout le territoire de son corps d’affectation.

L’article L2122-5-1 du CGCT est donc purement et simplement abrogé (la référence à cet article est en revanche toujours présente dans l’article R723-46 du code de la sécurité intérieure) et il n’y a donc plus d’incompatibilité entre les fonctions de maire ou d’adjoint et celle de sapeur-pompier volontaire quelle que soit la taille de la commune.

Fin de l’autorité directe des maires sur les directeurs des SDIS

Jusqu’à présent le directeur départemental du SDIS était placé sous la double autorité du préfet et du maire dans le cadre de son pouvoir de police. Désormais la nouvelle rédaction de l’article L1424-33 du CGCT supprime toute référence à l’autorité du maire.

En revanche les SDIS restent placés pour emploi sous l’autorité du maire ou du préfet, agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police (article L1424-3 du CGCT). Dans l’exercice de leurs pouvoirs de police, le maire et le préfet doivent toujours mettre en œuvre les moyens relevant des services d’incendie et de secours dans les conditions prévues par le règlement opérationnel arrêté par le préfet après avis du conseil d’administration du service d’incendie et de secours.

Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels

[1Photo : Startaê Team sur Unsplash