Un maire qui s’est rendu coupable de harcèlement moral peut-il être condamné sur ses deniers personnels à indemniser les victimes bien que la commune ait déjà été condamnée à réparer leur préjudice ?
Sur plainte de deux cadres de la collectivité, un maire (commune de plus de 10 000 habitants) est définitivement condamné au pénal à dix mois d’emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d’amende.
La Cour de cassation annule en revanche la condamnation civile du maire à verser 150 000 euros de dommages-intérêts aux plaignants, faute pour les juges d’appel d’avoir expressément retenu à son encontre l’existence d’une faute personnelle détachable du service. En effet les juridictions judiciaires ne peuvent retenir la responsabilité civile personnelle d’un élu ou d’un agent que s’ils ont expressément caractérisé à son encontre une telle faute. A défaut, elles doivent inviter les parties civiles à mieux se pourvoir devant les juridictions administratives.
La cour d’appel de renvoi confirme la responsabilité personnelle du maire estimant qu’il a bien commis une faute personnelle et le condamne à verser près de 50 000 euros à chacun des deux agents. L’élu objecte que le juge judiciaire ne pouvait le condamner à un tel montant alors que la commune a déjà été condamnée par le juge administratif à verser aux agents 10 000 euros. L’argument est écarté par la Cour de cassation :
En d’autres termes le juge judiciaire n’est pas liée par l’évaluation du préjudice par le juge administratif. L’occasion de rappeler que la caractérisation par le juge d’une faute personnelle détachable du service ouvre droit aux victimes un droit d’option leur permettant d’actionner la responsabilité de la collectivité et/ou celle de l’élu (ou de l’agent). En tout état de cause la collectivité est fondée à se retourner contre l’élu fautif pour lui demander le remboursement des sommes versées aux victimes. En l’espèce la condamnation prononcée par les juridictions administratives au titre de la protection fonctionnelle subroge la commune dans les droits des victimes, à concurrence des indemnités octroyées en réparation des faits de harcèlement moral commis.
La Cour de de cassation approuve également les juges d’appel de la cour de renvoi d’avoir retenu et indemnisé la perte de chance de reconversion professionnelle des deux agents « mis au placard » qui avaient eu un parcours sans faute avec des notations de qualité, des responsabilités importantes et reconnues, ainsi qu’une perspective d’évolution de carrière. En effet leurs opportunités de mutation ont été obérées en raison des faits de harcèlement moral subis d’avril 2008 à octobre 2010, ce qui constitue une perte de chance de réaliser une mutation professionnelle, y compris dans une autre collectivité, qui se serait également renseignée auprès de leur collectivité d’origine.