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Taxe locale d’équipement indue : corruption indirecte ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 20 mai 2009, N° 08-83789

Un maire et un secrétaire de mairie qui exigent indûment le paiement d’une somme équivalente à la taxe locale d’équipement se rendent-ils coupables de corruption bien que la somme réclamée soit destinée à la collectivité ?


 [1]

Le maire d’une commune savoyarde (500 habitants) réclame d’un administré le paiement d’une somme équivalente à la taxe locale d’équipement en échange de l’octroi d’un permis de construire. Le particulier signe en ce sens une reconnaissance de dettes avant de déposer plainte. Le maire et le secrétaire de mairie sont poursuivis des chefs de corruption passive et complicité.

Le maire reconnaît que les conditions d’exigibilité de la taxe locale d’équipement n’étaient pas réunies mais conteste toute qualification pénale aux faits dès lors que la somme d’argent devait profiter à la commune. Peu importe lui répond la Cour de cassation [2] qui confirme sa condamnation à six mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende « dès lors que le profit retiré par le corrompu peut être indirect  ».

Le secrétaire de mairie écope lui de 2 mois d’emprisonnement avec sursis, ce que confirme la Cour de cassation. Les juges d’appel avaient relevé à son égard “que s’il est acquis qu’il a agi sur ordre et que son statut de subordonné du Maire lui rendait délicat de s’opposer à l’opération, il n’en demeure pas moins qu’il résulte de ses propres déclarations qu’il avait conscience de participer à une action illégale aux fins d’obtenir de Gilles Z... des fonds que celui-ci n’avait aucune obligation de payer”. Quant au changement de qualification en cours de poursuites invoqué à l’appui du pourvoi, il est sans incidence sur la régularité de la condamnation dès lors que le prévenu “a été mis en mesure de s’expliquer sur la nouvelle qualification de complicité de corruption passive qui a été retenue par la cour d’appel”.

En revanche l’arrêt de la Cour d’appel est annulé sur les dispositions civiles. En effet le maire et le secrétaire de mairie ont été condamnés au civil à indemniser la partie civile sans que la juridiction se soit prononcée sur le caractère détachable ou non de la faute qui leur est imputée. Or les juridictions judiciaires ne sont compétentes pour condamner un agent public au paiement de dommages intérêts qu’en cas de faute personnelle détachable du service. En revanche dans l’hypothèse où les faits sont qualifiés de faute de service, le juge judiciaire doit se déclarer incompétent au profit des juridictions administratives.

C’est ce que rappelle ici la Cour de cassation dans un attendu de principe sur le visa de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :

 “d’une part, les tribunaux répressifs de l’ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d’une administration ou d’un service public en raison d’un fait dommageable commis par l’un de ses agents

 “d’autre part, l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux qu’il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions” ;

Ainsi “en se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile d’Alain X... et de Jean-François Y..., respectivement maire et secrétaire de mairie ayant agi dans l’exercice de leurs fonctions, sans rechercher, même d’office, si la faute imputée à ceux-ci présentait le caractère d’une faute personnelle détachable du service, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé ci-dessus”.

Il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le caractère détachable ou non de la faute imputée aux prévenus.

[1Photo : © Sychugina

[2Cour de cassation, chambre criminelle, 20 mai 2009, N° 08-83789