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Marchés publics : favoritisme ou dénonciation calomnieuse ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 1 septembre 2009, N° 08-88426

Les accusations de favoritisme portées par un candidat au cours d’une procédure diligentée à son encontre pour escroquerie présentent-elles un caractère spontané ? L’acheteur public visé par ces accusations peut-il engager une action pour dénonciation calomnieuse ?


 [1]

Une société d’économie mixte (SEM) reproche à un prestataire d’avoir enregistré indûment, à son nom, à l’INPI une enseigne commerciale. Entendu en qualité de témoin assisté pour tentative d’escroquerie et faux en écriture, le prestataire déclare aux enquêteurs avoir bénéficié d’un avantage injustifié lors de l’attribution du marché. Il prétend en effet avoir eu connaissance du cahier des charges une semaine avant les autres candidats.

Après avoir fait l’objet, à la suite de ces déclarations, d’une enquête pour favoritisme, la SEM riposte par une plainte avec constitution de partie civile pour dénonciation calomnieuse.

Le juge d’instruction rejette la requête de la SEM par une ordonnance de refus d’informer que confirme la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. En effet le délit de dénonciation calomnieuse suppose, pour être caractérisé, que les dénonciations soient spontanées. Or, pour la juridiction d’instruction, tel n’est pas le cas en l’espèce : les propos litigieux, tenus alors que le prestataire était entendu en qualité de témoin assisté, sont en relation avec les faits susceptibles de lui être reprochés.

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation [2] :

 "selon les articles 85 et 86 du code de procédure pénale, la juridiction d’instruction régulièrement saisie d’une plainte avec constitution de partie civile a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du ministère public ; (...) cette obligation ne cesse (...) que, si pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à les supposer démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale" ;

 "en vertu de l’article préliminaire du même code, la procédure pénale doit être contradictoire". Or en l’espèce les propos tenus par le prestataire l’ont été dans une procédure distincte instruite du chef de tentative d’escroquerie, à laquelle la partie civile n’a pas accès. Dès lors la juridiction d’instruction ne pouvait, en se fondant sur les seules pièces annexées par le procureur de la République à son réquisitoire, en conclure que ces propos, en l’absence de spontanéité, n’étaient pas constitutifs d’une dénonciation calomnieuse ni recevoir aucune qualification pénale.

 En effet la juridiction d’instruction aurait dû vérifier par une information préalable et contradictoire la réalité des faits dénoncés dans la plainte.

[1Photo : © Helder Almeida

[2Cour de cassation, chambre criminelle, 1 septembre 2009, N° 08-88426