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Salariée d’une maison de retraite agressée par une pensionnaire : faute inexcusable de l’employeur ?

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Gironde, 04 Septembre 2018

La faute inexcusable de l’employeur est-elle présumée lorsqu’un salarié est victime d’une agression dans l’exercice de ses fonctions ?

 [1]

Non : la faute inexcusable de l’employeur suppose qu’il soit prouvé que l’employeur avait conscience du danger ou aurait dû en avoir conscience et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce dès lors que la résidente qui a violemment poussé la salariée n’avait jusqu’ici pas eu de comportements violents et que l’employeur a pris les mesures nécessaires après l’agression en notifiant à l’intéressée une résiliation de son accueil. La salariée ne peut pas plus prétendre que l’employeur a commis une faute en lui assignant des tâches d’aide-soignante alors qu’elle n’avait pas le diplôme correspondant, dès lors qu’elle avait la formation et l’expérience nécessaires, au regard de ses formations et de son expérience professionnelle d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées le jour où elle a été victime de l’agression.

Une salariée d’une maison de retraite est violemment repoussée au sol par une pensionnaire surprise dans la cuisine à manger des sucreries. La salariée prévient son employeur et une collègue avant d’être
victime d’un malaise puis conduite au centre hospitalier.

L’agression est reconnue comme accident du travail. La salariée de l’association recherche une indemnisation complémentaire en invoquant une faute inexcusable de son employeur. Elle soutient à cet égard :
 qu’elle n’a jamais été aide-soignante mais qu’elle a fait
fonction d’aide-soignante sans être diplômée, ayant entamé depuis un an un programme de validation des acquis de l’expérience sans obtenir sa certification. Ainsi, poursuit-elle, compte tenu de son statut, elle aurait dû être constamment accompagnée durant l’exécution de ses tâches par une Infirmière ou une Aide-Soignante diplômée ;
 que son employeur a commis plusieurs manquements aux règles élémentaires de sécurité fixées par les articles 4121-1 à 4121-3 du Code du Travail, dans la mesure où le jour de l’agression, elle était de journée continue et assumait seule de 15h30 à 16h30 la charge de 17 résidents, alors qu’elle aurait toujours dû être accompagnée d’une personne diplômée et ce alors que l’employeur était avisé depuis plusieurs semaines de la dégradation de l’état de santé de cette patiente atteinte de pathologies lourdes qui présentait des problèmes de comportement. Ainsi son employeur aurait dû adapter l’effectif aux besoins de cette patiente.

Faisant droit à l’argumentation développée par SMACL Assurances, en sa qualité d’assureur de la maison de retraite, le tribunal des affaires de sécurité sociale écarte toute faute inexcusable de l’employeur. En effet :

 la requérante occupait ce jour-là le poste d’agent des services hospitaliers conformément à son CDI initial et il n’est pas contesté qu’elle avait la formation et l’expérience nécessaires, au regard de ses formations et de son expérience professionnelle d’accomplir les tâches qui lui étaient confiées le jour de l’agression. Ainsi il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’incidence d’une éventuelle sous-qualification, la discussion de sa fonction d’aide-soignante ou de faisant fonction d’aide-soignante étant sans objet ;

 faute d’être corroborée par d’autres éléments, la seule pièce produite (planning hebdomadaire laissant apparaître la présence d’une seule personne au moment du goûter pendant 30 minutes) est insuffisante à établir les circonstances exactes de la survenance de l’accident et ce d’autant plus que les circonstances réelles de la chute sont indéterminées.

Et le tribunal d’en conclure que, dans ces conditions, il
ne peut être considéré que l’employeur aurait dû avoir conscience d’exposer
son salarié à un danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En outre, il ne peut être reproché à l’employeur une absence de réaction puisqu’après l’agression, ayant conscience que l’état de santé de cette résidente n’était plus adapté
à la structure, la maison de retraite a notifié à l’intéressée une résiliation de son accueil et a même tenté
avec l’aide de son médecin traitant de la faire hospitaliser.

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Gironde, 04 Septembre 2018

[1Photo : @rawpixel sur Unsplash