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Le droit au report des congés payés non pris en raison d’un arrêt maladie n’est pas infini !

Conseil d’État, 26 avril 2017, N° 406009

Un agent en arrêt maladie peut-il cumuler indéfiniment ses droits à congés payés qu’il n’a pas pu prendre tant qu’il n’a pas repris le travail ?

Non : l’agent public dispose d’un délai maximal de 15 mois (à compter de la fin de l’année durant laquelle les congés auraient dû normalement être pris) pour poser ses congés payés annuels qu’il n’a pas pu prendre du fait de son arrêt. Et dans la limite maximale de quatre semaines de congés payés. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a en effet jugé qu’une durée de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. En l’absence de dispositions internes compatibles avec le droit européen, le Conseil d’Etat applique cette jurisprudence de la CJUE et lève ainsi l’incertitude qui pesait sur ce point. Un principe qui est valable pour les trois fonctions publiques. En outre, toujours en l’absence de dispositions dans le droit national, ce droit au report est limité à quatre semaines de congés payés par application du même article 7 de la directive européenne.

Selon une jurisprudence bien établie de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) [1], l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 fait obstacle à ce que le droit au congé annuel payé qu’un travailleur n’a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu’il était placé en congé de maladie pendant tout ou partie de cette période s’éteigne à l’expiration de celle-ci.

Sur ce fondement le Conseil d’Etat [2] avait annulé une circulaire applicable aux fonctionnaires de l’Etat [3].

Tirant les conséquences de cette position, une circulaire relative à la fonction publique territoriale [4] a précisé qu’il appartenait désormais à l’autorité territoriale « d’accorder automatiquement le report du congé annuel restant dû au titre de l’année écoulée à l’agent, qui, du fait d’un des congés de maladie prévus par l’article 57 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, n’a pu prendre tout ou partie dudit congé au terme de la période de référence » [5]

Mais il restait encore une question en suspens : ce report perdure-t-il tant que l’agent est en arrêt maladie ou est-il limité dans le temps ?

La cour administrative d’appel de Paris [6] avait répondu par l’affirmative estimant qu’une ville, en l’absence de dispositions en droit interne compatibles avec le droit européen, ne pouvait limiter dans le temps ce droit au report. Ainsi dans l’espèce qui lui était soumise, la cour administrative avait estimé qu’un fonctionnaire qui avait été en arrêt maladie pendant trois ans pouvait faire valoir à se reprise l’intégralité des congés payés qu’il n’avait pu prendre. Sur la base de cet arrêt, des centres de gestion déconseillaient aux collectivités de limiter le droit au report des congés payés non pris par les agents en arrêt maladie.

Appelée à se prononcer sur la demande d’un fonctionnaire, la cour administrative d’appel de Bordeaux, a préféré surseoir à statuer et poser la question directement au Conseil d’Etat. Et la réponse de celui-ci change la donne :

"En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de quinze mois après le terme de cette année.

La Cour de justice de l’Union européenne a en effet jugé, dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011, qu’une telle durée de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle le droit peut être exercé, est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive".

Le fonctionnaire doit donc prendre ses congés payés au plus tard dans les quinze mois après le terme de l’année où il aurait dû normalement les prendre. Au-delà de ce délai, les jours sont perdus.

Le Conseil d’Etat en profite pour apporter une précision importante :

"toutefois ce droit au report s’exerce, en l’absence de dispositions, sur ce point également, dans le droit national, dans la limite de quatre semaines prévue par cet article 7".

Ainsi le droit au report ne couvre pas l’intégralité des congés payés non pris mais est plafonné à quatre semaines. Au delà, les congés payés qui n’ont pas pu être pris sont donc perdus pour le fonctionnaire même si ce dernier est encore dans le délai de quinze mois.

Conseil d’État, 26 avril 2017, N° 406009

[1(CJUE, 20 janvier 2009, C-350/06 et C-520/06 et CJUE,10 septembre 2009, C-277/08)

[2Conseil d’État, 26 octobre 2012, N° 346648

[3Cette circulaire rappelait les dispositions d’un décret applicable aux fonctionnaires de l’Etat qui ne prévoyait le report des congés non pris au cours d’une année de service qu’à titre exceptionnel, sans réserver le cas des agents qui ont été dans l’impossibilité de prendre leurs congés annuels en raison d’un congé de maladie contrairement aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail, telles qu’interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes

[4Circulaire du 8 juillet 2011, NOR COTB1117639C

[5Des circulaires analogues ont également prises pour la fonction publique d’Etat (circulaire du 22 mars 2011) et pour la fonction publique hospitalière (circulaire du 20 mars 2013).

[6Cour administrative d’appel de Paris, n°14PA02218, 16 avril 2015