Un collaborateur bénévole du service public mis en cause pénalement dans l’exercice de sa collaboration peut-il bénéficier de la protection fonctionnelle de la collectivité ?
Oui dès lors qu’aucune faute personnelle détachable du service ne lui est imputable : il résulte d’un principe général du droit que la protection fonctionnelle est due à tout agent public et que ce droit s’étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur occasionnel du service public est reconnue. Appliqué en l’espèce à un informateur du service des douanes qui avait permis l’arrestation de plusieurs trafiquants de drogue avant d’être lui même condamné, le principe est le même pour les collaborateurs occasionnels du service public qui prêtent bénévolement leur concours aux collectivités territoriales. Tel pourrait par exemple être le cas d’un bénévole qui, en prêtant main forte pour l’organisation d’une fête communale, blesserait accidentellement un tiers par maladresse, ce qui lui vaudrait des poursuites pénales pour blessures involontaires. Dans ce cas la commune serait non seulement tenue d’indemniser la victime mais devrait également prendre en charge la défense du collaborateur sauf à démontrer l’existence d’une faute personnelle du collaborateur.
Un indicateur de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières fournit régulièrement des informations permettant ainsi l’arrestation de plusieurs trafiquants ainsi que la saisie de quantités importantes de produits stupéfiants et des moyens de locomotion ayant servi à leurs transports. Mais il est rattrapé par les justices anglaises et canadiennes qui le condamne respectivement à quatre ans d’emprisonnement du chef de " conspiration dans le but de faire entrer du cannabis sur le territoire anglais " et à la réclusion criminelle à perpétuité pour " complot d’importation de stupéfiants ". Il est transféré en France pour l’exécution de sa peine ramenée à vingt ans d’emprisonnement.
Après avoir bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle il présente au ministre du budget une demande d’indemnisation des préjudices (91 066 169 euros) qui résulteraient selon lui des fautes commises par les services des douanes et ayant abouti à son incarcération.
A l’appui de sa demande il invoque notamment sa qualité de collaborateur bénévole du service public qui lui donnerait droit au bénéfice de la protection fonctionnelle.
Le Conseil d’Etat lui donne raison sur le principe :
– "il résulte d’un principe général du droit que, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité dont il dépend de le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable, de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle, et, à moins qu’un motif d’intérêt général ne s’y oppose, de le protéger contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont il est l’objet".– "Ce principe général du droit s’étend à toute personne à laquelle la qualité de collaborateur occasionnel du service public est reconnue".
Ainsi donc le Conseil d’Etat confirme [1] que les collaborateurs bénévoles du service public ont droit, au même titre que tout agent public, au bénéfice de la protection fonctionnelle. Appliqué ici à un indicateur du service des douanes, le principe est le même pour tous les collaborateurs occasionnels du service public qui prêtent leur concours aux collectivités territoriales : en cas de mise en cause pénale dans l’exercice de leur collaboration, la collectivité devra leur accorder sa protection en prenant notamment en charge leur défense [2].
Encore faut-il cependant, comme pour tout agent public mis en cause, que l’intéressé n’ait pas commis de faute personnelle. Dans ce cas là en effet l’administration est tenue de refuser la demande de protection fonctionnelle.
Ainsi, en l’espèce, le Conseil d’Etat approuve la cour administrative d’appel d’avoir estimé que si l’implication croissante du requérant dans un réseau de trafiquants de drogue a été encouragée à l’origine par l’administration des douanes, les faits pour lesquels l’intéressé a été condamné étaient dépourvus de tout lien avec les fonctions exercées en sa qualité d’informateur de l’administration des douanes et étaient donc détachables du service. Ainsi l’administration n’a pas commis de faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat en refusant de lui octroyer à ce titre le bénéfice de la protection fonctionnelle.