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Accident causé à un enfant par la chute d’une structure gonflable : la commune et l’adjoint aux affaires culturelles pénalement responsables

Cour de cassation, chambre criminelle, 28 juin 2016, N° 15-83862

Un adjoint aux affaires culturelles qui donne de mauvaises consignes pour le montage d’une structure gonflable lors d’une kermesse peut-il, en cas d’accident, engager cumulativement sa responsabilité pénale personnelle et celle de la commune personne morale ?

 

Oui. Commet une faute caractérisée exposant les enfants à un danger qu’il ne pouvait ignorer, l’adjoint aux affaires culturelles qui lors d’une kermesse : 1° donne pour instructions de monter une structure gonflable sur un terrain en pente à proximité d’un fossé alors que la société mettant à disposition la structure recommandait l’implantation sur un terrain plat ;  estime que la structure n’a pas besoin d’être fixée au sol en l’absence de vent ce jour-là. C’est ainsi à bon droit que les juges ont retenu l’existence d’une faute caractérisée engageant la responsabilité personnelle de l’adjoint ainsi que celle de la commune pour avoir exposé les enfants utilisateurs du toboggan à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer au regard des préconisations des moniteurs ainsi que de la configuration des lieux. En effet la responsabilité pénale de la commune, personne morale, peut aussi être engagée dès lors que :  l’accident est survenu à l’occasion d’une activité de loisirs susceptible d’une délégation de service public (mise en œuvre par la commune au moyen d’un contrat de prestation de service conclu avec une société privée) ;  titulaire d’une délégation du conseil municipal pour organiser cette kermesse en sa qualité d’adjoint aux affaires culturelles, l’élu est bien un représentant de la collectivité territoriale agissant pour son compte.
 
 

Au cours d’une kermesse organisée par une commune du Nord (3000 habitants), une structure gonflable type toboggan bascule sur le côté, provoquant la chute des enfants qui y jouaient dans un fossé situé en contrebas où coulait un petit ruisseau. L’une des victimes, grièvement blessée à la tête, devra subir plusieurs opérations chirurgicales en raison de corps étrangers rentrés dans la plaie.

 

Des poursuites pour blessures involontaires sont engagées contre le maire, l’adjoint aux affaires culturelles et la commune personne morale.

 

Le tribunal correctionnel d’Avesnes-sur-Helpe relaxe le maire mais condamne la commune à 10 000 euros d’amende et l’adjoint au maire à quatre mois d’emprisonnement avec sursis.

 

La cour d’appel de Douai confirme la culpabilité des deux prévenus et la peine prononcée contre la commune mais ramène la peine de l’adjoint à 5000 euros d’amende avec sursis.


Au civil la cour d’appel condamne les deux prévenus à réparer le préjudice des victimes constituées parties civiles [1].

 

Plusieurs éléments à charge sont retenus :
 l’absence d’arrimage de la structure au sol ;
 le choix de son emplacement sur un terrain en pente et à proximité d’un fossé ;
 l’insuffisance de personnel de surveillance.

 

Les juges relèvent ainsi qu’en l’absence d’un seul de ces facteurs, l’accident ne se serait pas produit ou n’aurait pas eu ces conséquences.

 

En ce qui concerne l’adjoint, la cour d’appel relève :

 

 qu’il disposait d’une délégation du conseil municipal pour organiser cette kermesse en sa qualité d’adjoint aux affaires culturelles de la commune, s’était rendu sur le site et avait assisté aux opérations d’installation de la structure gonflable ;

 

 qu’il a déclaré aux gendarmes qu’il avait estimé que la structure n’avait pas besoin d’être fixée au sol en l’absence de vent ce jour-là ;

 

 qu’il avait lui-même désigné l’emplacement du toboggan alors que les moniteurs de la société qui avait fourni cette attraction lui avaient conseillé un autre lieu d’implantation sur un terrain plat et à distance suffisante des obstacles, ce qui en aurait également facilité la surveillance.

 

Et les juges d’appel d’en déduire l’existence d’une faute caractérisée engageant sa responsabilité personnelle ainsi que celle de la commune pour avoir exposé les enfants utilisateurs du toboggan à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer au regard des préconisations des moniteurs ainsi que de la configuration des lieux.

 

La Cour de cassation n’y trouve rien à redire et confirme l’arrêt :

 
en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que l’accident est survenu à l’occasion d’une activité de loisirs susceptible d’une délégation de service public, mise en œuvre par la commune au moyen d’un contrat de prestation de service conclu avec une société privée, et pouvant donner lieu à responsabilité pénale de la collectivité territoriale du fait de la faute caractérisée de son représentant en application de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel, qui, dans l’exercice de son pouvoir souverain, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments les infractions dont elle a déclaré les prévenus coupables, a justifié sa décision".

[1Ce point aurait mérité de faire l’objet d’un pourvoi : en l’absence de faute personnelle détachable, le juge judiciaire aurait dû se déclarer incompétent au profit des juridictions administratives.