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Le tri des déchets est-il obligatoire ?

Cass civ 3 juin 2004 N° de pourvoi : 02-14128

Négligeant mais pas responsable ! Jeter des morceaux de verre dans son sac poubelle, au lieu de les déposer dans le container prévu à cet effet, n’implique pas forcément la responsabilité des blessures provoquées lors de la collecte des ordures ménagères par un agent de la collectivité. Encore faut-il qu’un texte opposable au tiers réglemente le tri des déchets.

Résumé

Un agent de le communauté urbaine du Mans se blesse en soulevant un sac poubelle contenant des morceaux de verre, déposé sur la voie publique par un administré. Estimant que celui-ci avait commis une faute en n’utilisant pas les containers prévus à cet effet, la communauté urbaine lui demande le paiement des salaires versés à l’agent blessé pendant son incapacité, ainsi que des frais médicaux et pharmaceutiques engagés.

Le trésorier principal émet, en décembre 2000, un titre exécutoire avant d’adresser à l’administré un avis de la somme à payer. Après avoir fait la sourde oraille pendant six mois, le citoyen s’y oppose et obtient gain de cause devant le tribunal d’instance dont la décision est confirmée par la cour de cassation (Cass civ 3 juin 2004, bulletin).

Au-delà de l’obligation pour la collectivité d’apporter la preuve de la date de réception du titre exécutoire (condition sine qua non du délai de recevabilité de l’opposition), on retiendra qu’en l’espèce, faute d’un réglement spécifique, rien n’obligeait les particuliers à déposer leurs verres dans les containers idoines. Rien ne leur interdisait donc de les mettre dans les sacs d’ordures ménagères.


La décision des premiers juges

 Sur la forme : le tribunal observe que la communauté urbaine ne rapporte pas de manière irréfutable la preuve de la date de réception par le débiteur de l’avis des sommes à payer. En conséquence, le délai de deux mois (article L1617-5 du code général des collectivités territoriales) au-delà duquel l’administré n’était plus recevable à agir n’avait pas commencé à courir.

 Sur le fond, le tribunal fait remarquer que l’administré n’était tenu d’aucune obligation particulière en matière de dépôt d’ordures, ni sur le fondement de la convention conclue entre la CUM et la commune (qui ne lui était pas opposable), ni en vertu d’un règlement municipal.


Les arguments de la Communauté urbaine

 Sur la forme : l’administré était forclos à à s’opposer au titre exécutoire émis par le trésorier principal dès lors :
a) qu’il reconnaissait implicitement dans ses écritures avoir eu connaissance du titre exécutoire dont il était l’objet.
b) "qu’à partir du moment où l’existence de la notification est acquise, c’est à celui qui exerce une voie de recours dont le délai est ouvert par la réception de cette notification d’établir qu’il a respecté le délai pour ce faire, et donc le cas échéant de justifier de la date de réception de la notification"
c) "que la notification peut être faite en la forme d’un courrier ordinaire, si la loi n’en dispose autrement ; que l’expéditeur peut en ce cas établir par tout moyen la date de réception, et non seulement par le biais d’un accusé de réception".

 Sur le fond : la communauté urbaine relève que "quand bien même M. X... n’aurait été tenu d’aucune obligation particulière en matière de dépôt d’ordures, ni sur le fondement de la convention conclue entre la CUM et la commune, ni en vertu d’un règlement municipal, cela ne suffisait pas à écarter en soi toute faute de sa part" et "que les juges du fond devaient rechercher dans quelle mesure l’administré n’avait pas été à tout le moins négligent ou imprudent en jetant du verre dans un sac poubelle sans autre précaution, quand il savait qu’il allait être collecté par un individu qui pourrait se blesser".


Les attendus de la Cour de cassation

 Sur la forme : il appartenait à la personne publique poursuivante de rapporter la preuve de la date de réception du titre exécutoire ou de l’acte de poursuite contesté ; c’est donc par une appréciation souveraine que les juges de premières instance ont considéré que cette preuve n’était pas en l’espèce rapportée.

 Sur le fond : la convention signée par la commune de Neuville avec la CUM, selon laquelle une collecte sélective du verre était organisée sur cette commune avec mise à disposition de conteneurs spécifiques, n’avait vocation qu’à régler des rapports entre la CUM et la commune de Neuville en créant des obligations applicables aux parties à cette convention et n’instaurait pas une obligation pour les particuliers de déposer le verre dans des conteneurs spécifiques ; dés lors, il n’existait pas, au moment de l’accident, de règlement de la commune sur le dépôt des ordures ménagères par les particuliers et que les déchets pouvaient être indifféremment mis dans des conteneurs, des poubelles ou des sacs plastiques.