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Réélection après élection annulée : le maire déclaré démissionnaire d’office a posteriori

Conseil d’État, 22 juin 2015, N° 387515

Un maire, dont l’élection a été annulée, peut-il être déclaré démissionnaire d’office alors qu’une nouvelle élection lui a permis d’obtenir à nouveau le même mandat avant qu’il ne soit définitivement statué sur son inéligibilité ?

Oui : le recours exercé par l’élu contre l’inéligibilité prononcée par le juge de l’élection (en l’espèce pour un dépassement du compte de campagne) suspend la sanction, ce qui permet à l’intéressé de se présenter aux nouvelles élections si elles sont organisées avant que la justice administrative n’ait eu le temps de se prononcer définitivement. Mais si, au final, l’inéligibilité est confirmée par le juge, l’élu sera déclaré démissionnaire d’office. Et ce, bien que la seconde élection ne soit pas entachée d’irrégularité.

L’élection d’un maire est invalidée pour dépassement du plafond des dépenses électorales. Le tribunal administratif prononce l’inéligibilité de l’intéressé. Mais celui-ci forme un recours ce qui suspend la sanction.

De nouvelles élections sont organisées avant que les juridictions administratives ne statuent sur le recours de l’élu. Celui-ci est réélu, cette fois à la régulière.

Mais, après sa réélection, le Conseil d’Etat rejette son recours [1] et confirme l’inéligibilité consécutive aux irrégularités relevées lors de la première élection annulée.

Cette inéligibilité pouvait-elle s’appliquer à la nouvelle élection laquelle est intervenue avant que le Conseil d’Etat ne statue ? A priori non puisqu’il résulte de l’article L118-3 du code électoral que la sanction "n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision".

C’est à une autre analyse que se livre le Conseil d’Etat [2] :

 s’il résulte de la seconde phrase du quatrième alinéa de l’article L. 118-3 du code électoral que l’inéligibilité n’a pas d’effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision du juge, cette disposition, rapprochée de celle de la première phrase du même alinéa selon laquelle l’inéligibilité s’applique à toutes les élections, a pour seul objet de spécifier que l’inéligibilité à d’autres mandats que celui en cause devant le juge de l’élection ne vaut que pour l’avenir ;

 par conséquent, lorsqu’une nouvelle élection a permis au candidat d’obtenir à nouveau le même mandat avant qu’il soit définitivement statué sur l’élection qui avait donné lieu à la saisine du juge et au prononcé de l’inéligibilité, il appartient au juge de déclarer le candidat élu démissionnaire d’office du mandat en cause.

Ainsi donc, si l’inéligibilité d’un candidat aux élections municipales et communautaires est sans effet sur le mandat de conseiller départemental qu’il a par ailleurs obtenu, il doit être déclaré démissionnaire d’office des mandats de conseiller municipal, de maire et de conseiller communautaire issus des opérations électorales auxquelles il a été procédé dans le cadre d’une élection partielle postérieure à l’élection au titre de laquelle les manquements aux règles relatives aux comptes de campagne ont été constatés.

Conseil d’État, 22 juin 2015, N° 387515

[1L’élu demandait le renvoi au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral.

[2Pas directement dans l’arrêt (publié au recueil Lebon) mais dans le commentaire associé