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Dommages causés par des mineurs pris en charge par une association dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative : responsabilité sans faute du département

Conseil d’Etat, 19 juin 2015, n° 378293

Des mineurs incendient des locaux d’une association qui les prenait en charge au titre du service public de l’aide sociale à l’enfance. L’association est-elle un « tiers » susceptible d’engager la responsabilité sans faute du département ?

Oui : dès lors que la garde des mineurs a été confiée, en vertu de jugements du juge des enfants, au département lequel se trouvait ainsi investi, à l’époque des faits, de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie de ces mineurs. En raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur. Peu importe qu’au moment des faits les mineurs étaient pris en charge par l’association. Celle-ci a bien la qualité de tiers l’autorisant à agir contre le département bien qu’elle participe à l’exécution du service public de l’aide sociale à l’enfance. La responsabilité du département n’est susceptible d’être atténuée qu’en cas de force majeure ou de faute de la victime.

Deux mineurs ayant fait l’objet de mesures d’assistance éducative en application des articles 375 et suivants du code civil sont confiés, par jugement du juge des enfants, au service départemental de l’aide sociale à l’enfance des Bouches-du-Rhône.

Ils se rendent coupables d’un incendie criminel des locaux de la fondation qui les accueillait et sont condamnés par le tribunal pour enfants. La fondation obtient du tribunal administratif de Marseille la condamnation du département à l’indemniser du préjudice subi (plus de 120 000 euros). La condamnation est confirmée en appel mais le montant de l’indemnisation est revue à la baisse (45000 euros).

Le département se pourvoit en cassation relevant que l’association requérante n’avait pas la qualité de tiers puisqu’elle participait à l’exécution du service public de l’aide sociale à l’enfance.

Le Conseil d’Etat rejette le moyen et confirme la condamnation du département en rappelant :


 "que la décision par laquelle le juge confie la garde d’un mineur, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise en vertu des articles 375 et suivants du code civil, à l’une des personnes mentionnées à l’article 375-3 du même code, transfère à la personne qui en est chargée la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie du mineur" ;


 "qu’en raison des pouvoirs dont le département se trouve ainsi investi lorsque le mineur a été confié à un service ou établissement qui relève de son autorité, sa responsabilité est engagée, même sans faute, pour les dommages causés aux tiers par ce mineur" ;


 "que cette responsabilité n’est susceptible d’être atténuée ou supprimée que dans le cas où elle est imputable à un cas de force majeure ou à une faute de la victime".

C’est le département qui se trouvait investi, à l’époque des faits, de la responsabilité d’organiser, diriger et contrôler la vie de ces mineurs. Peu importe qu’à cette date les deux mineurs étaient pris en charge par la fondation en sa qualité de participante à l’exécution du service public de l’aide sociale à l’enfance. Cette fondation est bien un tiers susceptible d’engager la responsabilité sans faute du département.

Conseil d’Etat, 19 juin 2015, n° 378293