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Une promesse unilatérale de vente n’est pas créatrice de droits pour son bénéficiaire

Conseil d’État, 2 avril 2015, N° 364539

Une promesse unilatérale de vente consentie par une commune est-elle créatrice de droits pour le bénéficiaire, interdisant de fait à la collectivité de se rétracter au-delà du délai de 4 mois ?

 [1]

Non tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option qui lui est offerte. Il en résulte qu’une commune peut, même plus de 4 mois après la délibération autorisant la cession, librement se rétracter et renoncer à la vente. Par application des règles du Code civil, cette rétractation se résoudra en paiement de dommages-intérêts à l’acheteur éconduit, à moins que les parties y aient préalablement renoncé par une disposition contractuelle.

Dans le cadre d’un projet d’aménagement d’une zone d’activités, le conseil municipal d’une commune martiniquaise [2] autorise le maire à signer au nom de la commune une promesse unilatérale de vente à une société et consent à cette société la faculté d’acquérir le bien au prix de 606 985 euros. L’entreprise dispose d’un délai de deux ans pour lever l’option qui lui est offerte.

Mais un an avant l’expiration de ce délai, la commune se ravise : le conseil municipal décide de dénoncer la promesse de vente et de ne pas donner au maire l’autorisation nécessaire pour signer l’acte authentique de vente. Un an plus tard, juste avant l’expiration du délai qui lui était imparti, l’entreprise lève finalement l’option...

Qu’importe : la commune ne se sent plus liée et le conseil municipal adopte le principe de la reconstruction d’une caserne de sapeurs-pompiers communale sur la parcelle convoitée et autorise la mise à disposition de ce terrain au service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Martinique.

La société éconduite saisit les juridictions administratives en demandant l’annulation des délibérations litigieuses. Déboutée en première instance, elle obtient gain de cause en appel : en dénonçant la promesse de vente, le conseil municipal de Case-Pilote a retiré illégalement, plus de quatre mois après son adoption, la délibération initiale autorisant la cession.

Le Conseil d’Etat censure une telle analyse et conforte la commune dans sa décision :


 "cette délibération, qui se bornait à autoriser le maire à signer la promesse de vente, n’avait créé par elle-même aucun droit au profit de la société bénéficiaire" ;


 l’entreprise "ne pouvait tenir de la décision du maire de signer la promesse unilatérale de vente le 18 décembre 2007 d’autres droits que ceux résultant de l’application des dispositions du code civil régissant les rapports entre les parties à un tel contrat de droit privé".

Ainsi la société n’ayant pas encore levé l’option, elle ne pouvait prétendre à la réalisation forcée de la vente, mais seulement à des dommages et intérêts. Il résulte en effet de la combinaison des articles 1101, 1134 et 1589 du code civil que la rétractation par le promettant d’une promesse unilatérale de vente, lorsqu’elle intervient avant que le bénéficiaire ait levé l’option dans le délai stipulé dans le contrat, se résout, conformément aux dispositions de l’article 1142 du code civil, en dommages et intérêts, à moins que les parties aient contractuellement décidé d’écarter l’application des dispositions de cet article. Il appartenait au bénéficiaire d’être plus diligent en levant l’option plus rapidement.

Conseil d’État, 2 avril 2015, N° 364539


[1Photo : © Oleksandr Bilozerov

[2Case-Pilote, 4500 habitants.