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Un maire obtient l’annulation de sa propre élection à l’insu de son plein gré !

Conseil d’Etat, 20 février 2015, N° 385408

Le troisième tour des élections se joue souvent devant les tribunaux. Avec à la clé une possible annulation du scrutin. Mieux vaut donc y réfléchir à deux fois avant d’introduire un recours lorsque l’on a été élu...

Bien qu’élue maire dans sa commune (10 000 habitants), une candidate aux dernières élections conteste le nombre de sièges attribués à une liste concurrente, lui reprochant l’absence de mention sur les bulletins de la nationalité espagnole d’une colistière. L’élue espère ainsi obtenir une majorité plus confortable par l’annulation des voix obtenues par cette liste arrivée en troisième position.

Mauvais calcul : le tribunal administratif, puis le Conseil d’Etat, concèdent bien volontiers que les bulletins litigieux sont entachés de nullité mais c’est pour mieux en conclure que "l’irrégularité résultant de la prise en compte de ces bulletins qui auraient dû être tenus pour nuls a été ainsi de nature à altérer la sincérité du scrutin"...

C’est donc l’ensemble des opérations électorales qui sont viciées, obligeant ainsi la commune à l’organisation de nouvelles élections !!!

Peu importe que l’annulation du scrutin n’était pas demandée :

"il appartenait dans un tel cas au tribunal administratif, dès lors qu’il jugeait que l’irrégularité commise était de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin, de prononcer, eu égard au mode de scrutin applicable dans les communes de plus de 1 000 habitants, l’annulation de l’ensemble des opérations électorales quand bien même une telle annulation n’aurait pas été demandée par les protestataires"

La requérante n’est ainsi "pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en prononçant l’annulation des opérations électorales dans leur ensemble, aurait à tort statué au-delà des conclusions dont il était saisi"...

La préfecture a huit jours pour mettre en place une délégation spéciale chargée d’administrer la ville et organiser les prochaines élections municipales. Nul doute que le maire issu des urnes se montrera très prudent avant d’envisager un recours dans l’hypothèse où une nouvelle irrégularité était constatée sur les bulletins de l’une des listes. Un candidat déchu pourrait avoir moins de scrupules [1]...

Conseil d’Etat, 20 février 2015, N° 385408


 [2]

[1On peut d’ailleurs se demander si cette jurisprudence n’est pas de nature à inciter certains candidats à faire émerger des listes pseudo-concurrentes contenant délibérément des bulletins irréguliers pour pouvoir obtenir l’annulation du scrutin si le résultat n’était pas conforme à leur espérance...

[2Dessin : © Jean Duverdier