Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Transaction : concessions réciproques ou libéralité prohibée ?

CE 11 juillet 2008 N° 287354 Publié au recueil Lebon

Une collectivité peut-elle, dans le cadre d´une transaction, renoncer en cours d´instance à la moitié d´une importante créance sur un prestataire contre le maintien de 80 emplois sur le site ? [1]

Une explosion détruit en novembre 1994 une station de broyage de résidus urbains dont l´exploitation est confiée par un district à une entreprise. Cette dernière demande en justice la résiliation du contrat et l´indemnisation des préjudices subis à raison du retard mis par le district à prendre position sur le sort de l´usine. Le district réplique par une demande en réparation de son propre préjudice du fait de la résiliation prononcée unilatéralement par la société.
Le tribunal administratif de Strasbourg fait droit aux deux requêtes : le district est condamné à verser à la société un peu plus de 30 000 euros pour le retard de la collectivité à décider du sort de l´usine mais obtient dans le même temps près de 800 000 euros pour résiliation unilatérale du contrat.

En appel la condamnation de l´entreprise est confirmée mais celle du district est réduite de moitié. La société se pourvoit en cassation. En cours d´instance un protocole d´accord est signé entre l´entreprise et la communauté d´agglomération qui a entre-temps succédé au district.
En vertu de cet accord, la communauté d´agglomération accepte notamment de renoncer à la moitié de la créance qu´elle détient sur la société en échange de l´engagement de cette dernière de maintenir une moyenne de 80 salariés au moins sur le site entre 2006 et 2011, ou, à défaut, de verser à la communauté d´agglomération une somme de 100 000 euros par année où cette moyenne ne serait pas atteinte.
L´entreprise demande alors au Conseil d´Etat qu´il soit donné acte de son désistement sous la réserve que le protocole d´accord soit préalablement homologué. Après avoir rappelé qu´en vertu de l´article 2052 du code civil le contrat de transaction a entre les parties l´autorité de la chose jugée en dernier ressort et qu´il est exécutoire de plein droit, sans qu´y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique, le Conseil d´Etat accueille favorablement la demande d´homologation :"les parties à une instance en cours devant le juge administratif peuvent présenter à celui-ci, y compris à l´occasion d´un pourvoi en cassation, des conclusions tendant à l´homologation d´une transaction par laquelle elles mettent fin à la contestation initialement portée devant la juridiction administrative". Il "appartient alors au juge administratif, qui se prononce en tant que juge de l´homologation, de vérifier que les parties consentent effectivement à la transaction, que l´objet de celle-ci est licite, qu´elle ne constitue pas de la part de la collectivité publique une libéralité et ne méconnaît pas d´autres règles d´ordre public".

En l´espèce le Conseil d´Etat estime que rien ne s´oppose à l´homologation du protocole d´accord dès lors que :

1° celui-ci "n´a pas d´autre objet que de mettre fin, par des concessions réciproques, au litige porté par les deux parties devant la juridiction administrative" ;

2° "que le protocole a été régulièrement signé" ;

3° qu´il "n´est pas constitutif d´une libéralité de la part de la communauté d´agglomération et ne méconnaît aucune autre règle d´ordre public".

[1Photo : © Liona Toussaint