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Chute depuis un ouvrage appartenant à l’Etat, la commune responsable...

Cour d’appel de Colmar, 6 novembre 2013, n° 13/01057

La responsabilité pénale d’une collectivité peut-elle être engagée pour blessures involontaires suite à un accident survenu sur un ouvrage appartenant à l’Etat ?

Oui si la commune a accompli des actes positifs manifestant sa volonté de se comporter comme propriétaire de l’ensemble immobilier. Une ville est ainsi déclarée pénalement responsable d’un accident survenu dans un ancien bunker militaire non déclassé (appartenant donc toujours à l’Etat) situé dans un parc communal. En effet la ville a enlevé une clôture interdisant l’accès à la zone dangereuse et n’a pas mis en œuvre les mesures de prévention préconisées par une étude de sécurisation commandée à sa propre initiative (ce qui atteste en outre qu’elle avait bien conscience du danger). Rien ne permettant d’exclure que la gestion du parc puisse un jour faire l’objet d’une délégation de service public, la responsabilité pénale de la collectivité peut bien être engagée sur le fondement de l’article 121-2 alinéa 2 du Code pénal.

Une jeune fille se promène de nuit, en vélo, dans un parc de la ville. Sans s’en rendre compte elle quitte la piste cyclable et se retrouve sur le toit d’un ancien bunker militaire avant de chuter d’une hauteur de trois mètres.

Blessée grièvement au niveau de la colonne vertébrale, elle porte plainte contre la ville pour blessures involontaires.

Pour sa défense la commune objecte que :

 le bunker n’a pas fait l’objet d’un déclassement et appartient donc toujours à l’Etat ;

 l’accident ne trouve pas son origine dans une activité susceptible de délégation de service public comme l’exige l’article 121-2 du Code pénal pour l’engagement de la responsabilité pénale des collectivités territoriales ;

 la victime a commis une faute en s’aventurant de nuit dans une zone dangereuse non aménagée.

Les juges du tribunal correctionnel écartent un à un ces arguments, ce qu’approuvent les magistrats d’appel :

 la ville a enlevé le grillage qui interdisait l’accès au site et n’a pas mis en œuvre les mesures de prévention préconisées [1] par une étude de sécurisation commanditée par ses soins à la suite d’un premier accident survenu dans un autre parc [2]. Des devis ont bien été demandés pour l’exécution de ces travaux mais ils sont restés sans suite. Ainsi la commune a accompli des actes positifs et s’est comportée en propriétaire de l’ensemble immobilier. Peu importe donc que le bunker non déclassé soit resté juridiquement la propriété de l’Etat ;

 la gestion et l’entretien du parc, mis librement et gratuitement à la disposition du public, constituent des activités susceptibles de faire l’objet d’une délégation à l’avenir ;

 la victime n’était pas en mesure d’appréhender le danger, les panneaux interdisant l’accès au site par la piste cyclable n’étant pas suffisamment visibles (car placés trop haut) et étaient régulièrement volés.

Ainsi l’absence de sécurisation des abords immédiats du bunker, et notamment l’absence de mise en place d’une signalisation pérenne et visible et d’un dispositif de protection contre les risques de chute ou d’accident constituent des fautes de négligence et d’imprudence. Confirmant le jugement de première instance, les juges d’appel déclarent la ville coupable et la condamnent à une amende de 20 000 euros.

Cour d’appel de Colmar, 6 novembre 2013, N° 13/01057 (PDF)

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[1Soit par la pose de garde-corps sur les édifices où il y avait un risque de chute, soit par la mise en place de dispositifs rendant impossible l’accès à certaines plateformes dangereuses.

[2Et qui avait déjà valu à la ville une condamnation au pénal (chute d’un arbre causé par des vents violents au cours d’un concert organisé par un association dans un parc)