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Ouvrage menaçant ruine surplombant le domaine public : la commune déclarée propriétaire contre son gré

Cour de cassation, 3 juillet 2013, N° 12-20237

Une commune peut-elle devenir propriétaire contre son gré d’un ouvrage (ex : une passerelle) surplombant le domaine public si les autorisations d’occupation temporaire du domaine n’ont pas été régulièrement renouvelées ?

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Oui : le propriétaire du sol est présumé propriétaire du dessus. Si cette présomption peut être combattue par la preuve contraire, une commune ne peut se prévaloir d’autorisations d’occupation devenues caduques et qui ne peuvent s’interpréter comme des titres de propriété constitutifs d’un droit de superficie. En effet les autorisations d’occupation du domaine public, personnelles et nominatives, sont incessibles et intransmissibles aux propriétaires successifs et la simple tolérance par la personne publique de l’occupation postérieure de l’ouvrage construit sur le domaine public n’est pas de nature à suppléer l’absence d’autorisation ni ne constitue une autorisation tacite d’occupation. Une commune ne peut ainsi réclamer à un syndicat de copropriétaires le remboursement des quelques 200 000 euros nécessaires à la consolidation de l’ouvrage qui menaçait de s’effondrer.

En 1926 le propriétaire d’une maison est autorisée par une commune basque à édifier une passerelle reliant son immeuble à une avenue et surplombant une venelle ouverte à la circulation publique. En 1939 un arrêté préfectoral autorise le propriétaire à appuyer l’ouvrage sur un mur de soutènement alors propriété de l’Etat.

Les propriétaires se succèdent sans que l’autorisation d’occupation temporaire (AOT) du domaine public initiale soit renouvelée. Seule l’autorisation de l’adossement au mur sera reconduite jusqu’en 1972.

Cela ne pose pas de problème jusqu’en 2009 où la passerelle présente des signes inquiétants d’effondrement. Dans le cadre d’une procédure de péril imminent, le maire met en demeure le syndicat de copropriétaires, constitué depuis 1963, d’exécuter les travaux nécessaires à la sécurité publique.

Le syndicat refusant de s’exécuter, la commune fait procéder à l’exécution d’office des travaux pour un coût de 200 000 euros. Elle demande en vain le remboursement au syndicat des sommes ainsi engagées. Le syndicat conteste en effet être propriétaire de la passerelle...

De fait le syndicat assigne la commune devant les juridictions judiciaires pour qu’elle soit déclarée propriétaire, faute pour elle de lui avoir délivré une autorisation valide de surplomb.

Le TGI de Bayonne, puis la cour d’appel de Pau, déclarent la commune seule propriétaire de l’ouvrage, ce que confirme la Cour de cassation :

 le syndicat n’a jamais sollicité ni obtenu une autorisation de surplomb et l’autorisation d’appui est expirée depuis le 1er janvier 2007. Or "les autorisations d’occupation du domaine public, personnelles et nominatives, étaient incessibles et intransmissibles aux propriétaires successifs et la simple tolérance par la personne publique de l’occupation postérieure de l’ouvrage construit sur le domaine public n’était pas de nature à suppléer l’absence d’autorisation ni ne constituait une autorisation tacite d’occupation". C’est donc à bon droit que la cour d’appel en a déduit que le syndicat ne disposait d’aucune autorisation valide de surplomb et d’appui pour occuper le domaine public ;

 les autorisations d’occupation dont se prévaut la commune, sont aujourd’hui caduques et ne peuvent s’interpréter comme des titres de propriété constitutifs d’un droit de superficie au profit du syndicat. Ainsi la commune ne rapporte pas la preuve permettant de combattre la présomption de propriété du dessus au profit du propriétaire du sol édictée par l’article 552 du code civil.

Cour de cassation, 3 juillet 2013, N° 12-20237

[1Photo : ©-Concept-web-Studio3