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Transfert de compétences à l’intercommunalité : transfert rétroactif de responsabilités !

Conseil d’Etat, 4 décembre 2013, N° 349614

Une communauté urbaine peut-elle être déclarée responsable d’inondations survenues avant que ne lui ait été transférée la compétence "eau et assainissement" ?

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Oui : aux termes de l’article L.5215-20 du code général des collectivités territoriales, la communauté urbaine exerce, dès son institution et de plein droit, au lieu et place des communes membres, la compétence "eau et assainissement" laquelle inclut nécessairement la gestion des eaux pluviales. Dès le transfert des compétences, la communauté urbaine prend seule en charge le service de la dette et les obligations des collectivités comprises dans l’agglomération, à raison des compétences transférées. Et ce, sans pouvoir appeler la collectivité en garantie des condamnations prononcées à son encontre pour des faits qui seraient antérieurs au transfert. Ainsi, une communauté urbaine demeure seule responsable des inondations trouvant leur origine dans l’entretien du réseau des eaux pluviales, y compris pour celles qui se sont produites avant le transfert de la compétence "eau et assainissement".

Les propriétaires d’une maison d’habitation, victimes d’inondations à répétition, recherchent la responsabilité de la communauté urbaine lui reprochant un fonctionnement défectueux du réseau d’eaux pluviales dont elle a la charge.

Ils lui réclament le remboursement des sommes conséquentes qu’ils ont dû engager pour renforcer les défenses de leur propriété contre les eaux extérieures et limiter ainsi le risque d’inondation permanent auquel ils sont confrontés du fait du défaut d’entretien de l’ouvrage public.

L’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) rejette la responsabilité sur la commune, les inondations ayant débuté avant que la compétence "eau et assainissement" ne lui soit transférée de plein droit en application de l’article L. 5215-20 du code général des collectivités territoriales.

Le Conseil d’Etat approuve les juridictions du fond d’avoir écarté l’argument sur le fondement de de l’article L. 5215-39 du CGCT. En effet :

" une communauté urbaine ne peut, à compter de la date du transfert des compétences, appeler une collectivité ou un établissement public à la garantir des condamnations prononcées contre elle pour des dommages causés dans le cadre des compétences transférées, avant ou après la date du transfert".

Seul l’EPCI est donc responsable des dommages s’étant produits avant même le transfert de la compétence "eau et assainissement" laquelle inclut nécessairement la gestion des eaux pluviales.

Les requérants sont en outre bien fondés à demander le remboursement des dépenses engagées pour les travaux préventifs visant à renforcer les défenses de leur propriété contre les eaux extérieures : entrepris pour mettre fin au dommage permanent que représente le risque d’inondation de leur parcelle, de tels travaux présentent en effet un caractère direct et certain avec le défaut d’entretien de l’ouvrage public d’évacuation des eaux pluviales.

Conseil d’Etat, 4 décembre 2013, N° 349614

[1Photo : Simon Buchou via Unsplash