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Nuisances invoquées par les riverains de campements de gens du voyage : la commune responsable ?

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1er juillet 2013, N° 12BX00914

Une commune peut-elle être tenue responsable des nuisances invoquées par les riverains de campements de gens du voyage ?

 [1]

Pas si le maire a mis en œuvre, dans la limite de ses compétences, tous les pouvoirs qu’ils lui appartenaient. Peu importe que les mesures prises n’aient pas suffi à faire cesser les troubles. Ce d’autant que la seule présence de nomades à proximité de la propriété des requérants ne suffit pas à établir un lien de causalité avec les dégradations subies, les auteurs des actes délictueux n’ayant pas été identifiés.

Des habitants d’un quartier d’une petite ville de l’Indre [2] se plaignent de multiples nuisances [3] qu’ils imputent aux agissements de gens du voyage sédentarisés ou de passage sur des campements de fortune.

Ils recherchent la responsabilité de la commune reprochant au maire de ne pas avoir fait usage de ses pouvoirs qu’il tient de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales et de la loi du 5 juillet 2000, dite loi Besson, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Ils reprochent également à l’élu de ne pas avoir fait cesser les décharges sauvages sur des terrains situés à proximité d’une zone de captage d’eau potable.

Le tribunal administratif de Limoges les déboute, ce que confirme la cour administrative d’appel de Bordeaux. En effet le maire "s’est efforcé depuis 1999, dans la limite de ses compétences, de répondre aux difficultés liées au mode de vie des gens du voyage et au comportement de certains membres de cette communauté".

Ainsi le maire a-t-il :

 réglementé le stationnement des nomades sur le territoire de la commune en affectant à l’accueil des gens du voyage certaines parcelles puis en interdisant le stationnement des nomades en dehors de cet aire d’accueil , avant d’interdire le stationnement des gens du voyage sur tout le territoire de la commune à la suite de l’installation d’une aire d’accueil permanente sur le territoire de l’agglomération voisine dans le cadre du schéma départemental d’accueil des gens du voyage ;

 entrepris les démarches pour obtenir rapidement des mesures coercitives d’expulsion à chaque fois que des gens du voyage stationnaient irrégulièrement sur des parcelles du domaine public communal ;

 adressé des mises en demeure aux personnes ayant irrégulièrement installé des dépôts sauvages de ferrailles, de matériaux divers et d’épaves de voitures sur les terrains leur appartenant, et sollicité à plusieurs reprises du préfet de l’Indre, du procureur de la République et du directeur départemental de la sécurité publique des opérations de police ;

 mené un travail constant de concertation avec le directeur départemental de la sécurité publique, le président de la communauté d’agglomération et le député de l’Indre pour répondre aux difficultés rencontrées ;

 organisé, y compris en se déplaçant sur les lieux, des réunions de médiation avec des représentants de la communauté des gens du voyage et des riverains pour rétablir le calme, ce travail de médiation ayant en outre été inscrit dans la durée avec le recrutement d’un agent de médiation par la commune.

Ainsi , bien que ces mesures n’aient pas suffi à faire cesser les troubles dénoncés, le maire a mis en œuvre tous les pouvoirs qui lui appartenaient et il ne saurait lui être reproché une quelconque défaillance dans l’exercice de son pouvoir de police.

Ce d’autant, poursuivent les magistrats, que la seule présence de nomades à proximité de la propriété des requérants ne suffit pas à établir un lien de causalité avec les dégradations subies sur leurs biens, les auteurs des actes délictueux n’ayant pas été identifiés.

Au demeurant les requérants n’allèguent pas que leur propriété aurait été occupée par des gens du voyage et si tel avait été le cas, il leur appartenait de saisir eux-mêmes le préfet.

Enfin, en application des dispositions du III de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, le maire ne pouvait faire procéder à l’évacuation des occupants de résidences mobiles, propriétaires des terrains sur lesquels ils stationnent.

Il ne peut pas plus être reproché au maire de ne pas avoir fait cesser les décharges sauvages sur les terrains situés à proximité d’une zone de captage d’eau potable. En effet, en vertu de l’article L. 211-5 du code de l’environnement, la police spéciale de l’eau relève de la compétence préfectorale :

"s’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale qu’en cas de péril imminent".

Or, en l’espèce, un tel péril n’est pas démontré, ni même allégué [4]

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 1er juillet 2013, N° 12BX00914

[1Photo : © Paula Gent

[2Déols, 8 000 habitants

[3Vols, dégradations de biens, jets de détritus, tapages diurnes et nocturnes, menaces et insultes.

[4La responsabilité de l’Etat est également écartée :

 aucune faute lourde ne peut lui être reprochée, le préfet n’ayant pas eu à se substituer au maire dès lors que ce dernier a correctement exercé son pouvoir de police ;

 le régime de responsabilité sans faute pour rupture d’égalité devant les charges publiques n’est pas plus retenu, les autorités de police n’ayant pas été négligentes et les agissements de l’administration n’ayant pas, par eux-mêmes, causé de dommages.