
Cour Administrative d’appel de Versailles, 20 décembre 2012, N° 11VE02556
Le maire est-il compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle déposée par un élu poursuivi pénalement ?
[1]
Non, cette question relève de la compétence du conseil municipal. La circonstance que le maire est le seul à pouvoir porter cette demande à l’ordre du jour d’une séance de l’assemblée délibérante ne saurait lui permettre de faire obstacle à l’exercice d’une compétence qui n’appartient qu’à celle-ci. Il appartient au maire d’inscrire en temps utile la question à l’ordre du jour du conseil municipal pour que celui-ci en délibère et apprécie si les poursuites pénales en cause sont susceptibles d’obliger la commune à accorder la protection sollicitée. Précisons que l’élu intéressé doit bien entendu s’abstenir de participer à cette délibération sous peine de s’exposer à de nouvelles poursuites du chef de prise illégale d’intérêts.
Un maire est condamné en novembre 2009 du chef de favoritisme à 1000 euros d’amende [2] pour un marché attribué en 1997. Battu entre-temps aux élections municipales, il sollicite l’octroi de la protection fonctionnelle à la nouvelle majorité.
Son successeur lui oppose un refus sans saisir le conseil municipal, ce que valide le tribunal administratif de Montreuil.
La cour administrative d’appel de Versailles censure cette position, le conseil municipal étant seul compétent pour statuer sur une telle demande :
"lorsque la commune est saisie d’une demande de protection sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales le conseil municipal, organe délibérant de la commune, est seul compétent pour se prononcer sur celle-ci" ;
"la circonstance qu’il est le seul à pouvoir porter cette demande à l’ordre du jour d’une séance de l’assemblée délibérante ne saurait permettre au maire de faire obstacle à l’exercice d’une compétence qui n’appartient qu’à celle-ci" ;
"il lui revient seulement d’inscrire en temps utile la question à l’ordre du jour du conseil municipal pour que celui-ci en délibère et apprécie si les poursuites pénales en cause sont susceptibles d’obliger la commune à accorder la protection sollicitée".
Une solution qui va dans le sens d’une meilleure transparence dans l’utilisation des deniers publics même si le conseil municipal peut décider, à la majorité absolue, de se réunir à huis clos [3]. En tout état de cause l’élu intéressé devra, bien entendu, s’abstenir de participer à la délibération s’il ne veut pas s’exposer à de nouvelles poursuites...
Cour Administrative d’appel de Versailles, 20 décembre 2012, N° 11VE02556
[1] Photo : © Pressmaster
[2] Il lui était reproché d’avoir fait effectuer des travaux sans appel à la concurrence et sans saisine de la commission d’appel d’offres et d’avoir procédé au paiement desdits travaux par des marchés de régularisation.
[3] Sur le fondement de l’article L2121-18 du Code général des collectivités territoriales.
Ce qu'il faut en retenir
Le conseil municipal est seul compétent pour statuer sur une demande de protection fonctionnelle sollicitée par un élu (ou un ancien élu) poursuivi pénalement.
Précisons que l’élu intéressé ne doit pas participer aux débats ni au vote du conseil statuant sur la demande de protection sous peine de s’exposer à des poursuites pour prise illégale d’intérêts. Si c’est le maire en exercice qui est poursuivi pénalement, il est plus prudent qu’il n’inscrive pas lui même cette question à l’ordre du jour : pour éviter toute contestation mieux vaut qu’il se fasse provisoirement remplacé par un adjoint, dans l’ordre des nominations selon la procédure de l’article L2122-17 du CGCT.
L’assurance personnelle souscrite par l’élu (dont les cotisations doivent être payées sur ses deniers personnels) permet d’éviter cette procédure et la mise à contribution de deniers publics.
Textes de référence
Article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales