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Enfants turbulents : pas d’exclusion de la garderie sans audition préalable des parents

Tribunal administratif de Caen, 21 février 2013, N° 1201296

Un maire peut-il exclure pour indiscipline un enfant de la garderie sans avoir préalablement permis aux parents de présenter leurs observations ?

 

Non : une telle mesure constitue une sanction au sens de la loi du 11 juillet 1979 et nécessite en conséquence le respect du principe du contradictoire. Les parents doivent ainsi avoir été préalablement mis en mesure de présenter leurs observations écrites ou orales le cas échéant en se faisant assister d’un avocat ou d’un mandataire de leur choix. Un échange impromptu et informel dans la cour de récréation ne suffit pas.
 

A la veille des vacances scolaires, un enfant de 8 ans joue au ballon dans la cour d’une garderie municipale d’une commune rurale (600 habitants). Après avoir expédié le ballon au dessus de la clôture, il demande au personnel communal de pouvoir aller le récupérer. Il lui est demandé de patienter, le temps qu’un adulte soit disponible.

 

Impatient, le jeune garçon désobéit et récupère son ballon en sortant par le portail de l’école maternelle. Il est logiquement réprimandé pour le personnel encadrant.

 

Les choses en restent là dans un premier temps : l’enfant regagne son domicile et la famille profite des vacances scolaires pour passer un séjour en Bretagne.

 

Mais au retour à la maison, les parents découvrent une lettre de la mairie les convoquant « suite au comportement de désobéissance de leur fils ». Trop tard : à la rentrée scolaire ils sont informés de l’exclusion de leur enfant de la garderie pour trois semaines.

 

Bien que suspectant un règlement de compte, la maman ayant démissionné du conseil municipal, les parents s’exécutent et s’organisent pour aller récupérer leur enfant à 16H30 après la fin des cours. Cependant à deux reprises, ils ne peuvent se libérer de leur travail avant 17h00, laissant ainsi leur enfant à la garderie "en infraction" pour trente minutes.

 

Ils sont alors informés que la sanction d’exclusion de la garderie était prolongée de quatre jours pour non respect de la première sanction [1].

 

Ils se décident à exercer un recours en justice contre les mesures d’exclusion et obtiennent gain de cause : les décisions litigieuses s’analysent comme des sanctions au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979.

 

Par ricochet les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, imposant le respect du principe du contradictoire, sont donc applicables. Il en résulte que le maire ne pouvait exclure l’enfant de la garderie sans avoir mis les parents en mesure de présenter des observations écrites ou orales, le cas échéant en se faisant assister d’un avocat ou d’un mandataire de leur choix. Ce n’est qu’en cas d’urgence, de situation exceptionnelle, ou d’abus de demandes d’audition, circonstances non établies en l’espèce, que le maire aurait pu s’affranchir de cette procédure contradictoire.

 

Ainsi, en l’espèce, la maire ne pouvait se contenter de convoquer les parents à un entretien, qu’ils n’ont pu par ailleurs honorer étant en vacances, sans leur préciser expressément la mesure d’exclusion envisagée. Les parents de l’enfant n’ont ainsi pas été mesure de présenter leurs observations préalablement à l’édiction de la sanction.

 

Le principe du contradictoire n’a pas plus été respecté s’agissant du prolongement de la sanction. En effet la commune ne peut se prévaloir d’un entretien entre le maire et le papa de l’enfant dans la cour de récréation au cours duquel l’élu a indiqué qu’une autre sanction serait vraisemblablement prononcée pour non respect de la première. Un tel échange impromptu et informel n’a pu avoir pour objet de permettre utilement aux parents de présenter leurs observations.

 

Au delà des circonstances particulières de l’espèce, qui peuvent laisser supposer l’existence d’un abus de pouvoir, ce jugement reste bien entendu transposable aux décisions d’exclusion qui seraient justifiées par un comportement d’indiscipline avérée de l’enfant.

 

[1Entre-temps leur enfant avait été exclu de la cantine pour trois jours pour avoir... fait tomber ses couverts !