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Mutation humiliante : violences volontaires ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N°09-80090

Une mutation d’un agent dans des conditions humiliantes peut-elle être assimilée, lorsqu’elle a été suivie de traumatismes psychologiques, à des violences volontaires ?


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Une secrétaire d’une commune d’outre-mer (6000 habitants) porte plainte contre le nouveau maire élu aux élections de mars 2001. Amie intime de l’ancien élu, elle soutient qu’à son retour de congé maternité, elle "n’a pas eu accès au matériel informatique normalement nécessaire au travail qui lui était dévolu, et que sa nouvelle affectation décidée le 16 octobre 2001 secrétariat au service de l’assainissement n’avait pas d’autre but que de lui nuire s’agissant d’un poste nouvellement créé et non équipé, se situant à proximité d’une déchetterie, avec des bruits de machines et de mauvaises odeurs, sans eau potable".

Ne pouvant se prévaloir des dispositions de la loi de modernisation sociale de janvier 2002 réprimant le harcèlement moral (les faits étant antérieurs à son entrée en vigueur), la plaignante se constitue partie civile du chef de violences volontaires.

Le tribunal correctionnel, puis la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion condamnent l’élu à 3000 euros d’amende dès lors que la proposition d’affectation à un poste créé spécialement et qui n’a jamais été occupé, « révèle par elle-même une intention de mise à l’écart particulièrement humiliante comme se rapportant à un service sans utilité démontrée à effectuer dans des conditions délibérément pénibles ». Et les magistrats de conclure que le traumatisme psychologique qu’elle a subi et dont les effets ont été médicalement constatés sont le résultat de cette proposition d’affectation « en ce qu’elle révèle un mépris de la personne ».

La Cour de cassation (Cass crim 19 juin 2007 N° de pourvoi : 07-80429) casse et annule l’arrêt : il appartenait à la cour d’appel « de rechercher si la décision de mutation interne sans formalité, ne s’accompagnant ni d’un changement de résidence ni d’une modification administrative de la situation de l’agent concerné et relevant des pouvoirs propres du maire, pouvait, à elle seule, constituer un acte positif entrant dans les prévisions de l’article 222-11 du code pénal ».

La Cour d’appel de renvoi n’en confirme pas moins la condamnation de l’élu et ramène la peine prononcée à 1500 euros d’amende : "la décision d’affectation prise par Paul X... d’un agent municipal rentrant de congé de maladie à un poste de travail dont l’utilité n’a pas été démontrée, dénué de moyens et du confort minimum, notamment d’un point d’eau permanent, situé dans les locaux de la station d’épuration et supportant des nuisances olfactives, de surcroît notifiée à l’intéressé dans des conditions inutilement brutales par un policier municipal, constitue un acte positif de violence volontaire, dont est résulté une atteinte à la personne de la partie civile, atteinte dont le prévenu pouvait d’autant moins ignorer la gravité sur une personne fragilisée qu’il est lui-même médecin".

Cette fois la Cour de cassation [2] n’y trouve rien à redire et rejette le pourvoi de l’élu : "les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments l’infraction dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant".

[1Photo © Avesun

[2Cour de cassation, chambre criminelle, 3 novembre 2009, N°09-80090