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Enfants bruyants : le maire tenu de faire la police dans la cour de récréation ?

Cour administrative d’appel de Lyon, 17 janvier 2013, N° 12LY00984

Les propriétaires riverains d’une école maternelle peuvent-il demander au maire de faire cesser le bruit causé par les élèves pendant la récréation ?

Potentiellement oui puisqu’au titre de son pouvoir de police le maire doit faire cesser les bruits et troubles de voisinage. Pour autant les bruits des enfants dans la cour de récréation sont inhérents au fonctionnement d’une école et demeurent limités dans le temps (ici deux récréations d’une vingtaine de minutes et seulement en période scolaire). Ainsi de tels troubles ne sont pas jugés suffisants, notamment au regard de leur durée et de leur répétition, pour contraindre le maire à exercer ses pouvoirs de police. Peu importe que ces bruits dépassent le seuil d’émergence fixé par le code de la santé publique. Tout au plus les riverains peuvent, à supposer qu’ils subissent du fait de la présence de cet ouvrage public un préjudice anormal et spécial, obtenir une réparation indemnitaire.

 [1]

En 2003 un couple achète une maison sur le territoire d’une commune rurale [2]. Leur propriété est voisine de l’école maternelle dont elle est séparée par une parcelle boisée.

Quatre ans plus tard, la commune préempte le bois pour y aménager une cour de récréation en prolongement d’une nouvelle extension du bâtiment scolaire.

Le couple se plaint alors de nuisances sonores générées par cette cour de récréation et par le transfert à partir de l’année 2008 d’activités périscolaires sur le site de l’école. Les intéressés mettent en demeure le maire d’user de ses pouvoirs de police pour faire cesser ces troubles. Ils adressent également une mise en demeure au président du syndicat intercommunal à vocation scolaire, propriétaire des locaux, pour fonctionnement anormal de l’ouvrage public.

A l’appui de leur requête, ils invoquent les dispositions :

 du code de la santé publique fixant le seuil d’émergence des bruits de voisinage lequel s’applique à tous les bruits de voisinage [3] ;

 de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles le maire tient de son pouvoir de police "le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage..."

Or, font-ils remarquer expertise acoustique à l’appui, les bruits issus de la cour de récréation jouxtant nouvellement leur propriété, dépassent significativement le seuil d’émergence des bruits de voisinage fixé par les articles R. 1334-30 et suivants du code de la santé publique.

Le tribunal administratif de Dijon, puis la cour administrative d’appel de Lyon en conviennent. Pour autant, les requérants sont déboutés. En effet :

 "cette nouvelle cour n’accueille chaque jour que deux récréations d’une vingtaine de minutes et seulement en période scolaire" ;

 "l’expertise acoustique n’ayant été réalisée que pendant une de ces récréations, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier que les activités périscolaires et extrascolaires également invoquées généreraient à leur égard des nuisances supplémentaires".

"Ainsi les bruits issus de la nouvelle cour de récréation de l’école maternelle, qui sont inhérents au fonctionnement d’une telle institution, n’apparaissent pas tels, notamment dans leur durée et leur répétition, que le maire de la commune ait été tenu de faire usage des pouvoirs de police qu’il tient des dispositions précitées".

Ouf ! Une épine en moins pour les maires qui n’auront donc pas à faire la police dans la cour de récréation.

Quant à l’action dirigée contre le président du syndicat scolaire, elle n’est pas plus fondée :

"alors même que l’émergence globale du bruit causé par les activités scolaires et périscolaires en cause dépasse parfois, notamment lors des récréations, les valeurs limites fixées à l’article R. 1334-33 du code de la santé publique, ce dépassement ne saurait avoir pour effet d’obliger le syndicat intercommunal à vocation scolaire du Levant à déplacer ou modifier l’ouvrage public, régulièrement implanté, où sont pratiquées ces activités qu’il ne lui appartient pas de contrôler".

Tout au plus les requérants peuvent, à supposer qu’ils subissent bien du fait de la présence de cet ouvrage public un préjudice anormal et spécial, présenter une demande indemnitaire.

Cour administrative d’appel de Lyon, 17 janvier 2013, N° 12LY00984

[1Image de Freepik

[2Marsannay-le-Bois (21), 700 habitants

[3A l’exception de ceux qui proviennent des infrastructures de transport et des véhicules qui y circulent, des aéronefs, des activités et installations particulières de la défense nationale, des installations nucléaires de base, des installations classées pour la protection de l’environnement ainsi que des ouvrages des réseaux publics et privés de transport et de distribution de l’énergie électrique soumis à la réglementation prévue à l’article 19 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie.