Le délit de favoritisme peut-il être constitué pour les marchés à procédure adaptée sur le constat d’une violation des principes généraux posés à l’article 1er du code des marchés publics ?
Une commune bretonne, en prévision du renouvellement de ses contrats d’assurance, lance une consultation pour choisir un prestataire de service chargé d’effectuer un audit des besoins, élaborer un cahier des charges, consulter les sociétés d’assurances intéressées et évaluer leurs propositions. Une convention est signée en ce sens entre la ville et un cabinet de consultant du Sud-Ouest pour un coût total de 5 850 euros. Un candidat évincé porte plainte pour favoritisme.
L’enquête établit que :
1° le candidat retenu avait initialement transmis une offre à 9 000 euros avant de revoir son offre à la baisse lors d’une seconde consultation pour présenter l’offre moins disante ;
2° le cabinet retenu avait été tenu informé par le président de la communauté d’agglomération (exerçant lui même la profession de consultant en assurances et ayant contribué à la création du cabinet du consultant retenu), de ce que la première offre présentée ne se situait pas dans le prix du marché et lui a répercuté une fourchette de prix qu’il avait obtenue lors d’un entretien téléphonique avec un fonctionnaire chargé de ce dossier à la mairie.
3° "bien que mise en garde par le directeur général adjoint des services et le directeur des affaires juridiques de la ville sur la manœuvre suspecte du candidat retenu et sur le risque de choisir celle-ci compte tenu des fonctions électives exercées par [Monsieur X] avait décidé de passer outre ces avis".
Le maire est poursuivi en correctionnelle pour favoritisme, le président de la structure intercommunale pour complicité, et le consultant retenu pour recel. Relaxés en première instance, ils sont condamnés en appel à deux mois d’emprisonnement avec sursis et 3 000 euros d’amende dès lors que :
1° "les dispositions figurant à l’article 1er-I du code des marchés publics, alors applicables, qui édictent les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, concernent tous les marchés publics sans opérer de distinction entre ceux qui, compte tenu de leur montant, sont passés sans formalités préalables et ceux qui sont soumis à un tel formalisme" ;
2° Le maire "a reconnu avoir pris sa décision d’attribuer le marché (...) non pas en fonction de critères objectifs de choix découlant des propositions faites par les candidats mais pour "faire plaisir" à un tiers avec lequel elle entretenait des relations d’amitié et qu’en procédant ainsi, elle a porté atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats" ;
3° Le président de la structure intercommunale "en obtenant des services municipaux les prix des premières offres et en indiquant (...) le montant auquel il devait fixer le prix de son offre lors de la seconde consultation, a facilité, par aide et assistance, la préparation et la commission des délits de favoritisme et de recel" ;
4° Le candidat retenu "qui a suivi lors de sa seconde offre, les indications qui lui avaient été données, ne pouvait ignorer que l’opération était destinée à fausser, au profit de sa société, la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans ce marché public et qu’il s’est ainsi rendu coupable de recel".
La Cour de cassation confirme la condamnation "dès lors que la méconnaissance de l’article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret du 7 mars 2001, qui s’appliquait à tous les marchés publics, quel que soit leur montant, entre dans les prévisions de l’article 432-14 du code pénal".