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Violences entre pensionnaires d’une maison de retraite : l’établissement civilement responsable ?

Cour de cassation, chambre civile 1, 15 décembre 2011, N° 10-25740

Le pensionnaire d’une maison de retraite victime de violences exercées par un autre résident peut-il engager la responsabilité quasi-délictuelle de l’établissement sur le fondement de l’article 1384 du code civil ?

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Non : l’existence d’un lien contractuel entre les pensionnaires et la maison de retraite neutralise toute engagement de la responsabilité quasi-délictuelle sur le fondement de l’article 1384 du code civil. Seule la responsabilité contractuelle de l’établissement peut être recherchée. Encore faut-il qu’une faute en lien avec le dommage puisse être démontrée. A cet égard la preuve d’un manquement au protocole interne de l’établissement n’est pas toujours suffisant. Ainsi en l’espèce, il n’est pas démontré que l’organisation de rondes de nuit supplémentaires aurait pu éviter l’agression dont a été victime un pensionnaire par un autre résident.


Le pensionnaire d’une maison de retraite, atteint de la maladie d’Alzheimer, est mortellement frappé, au cours de déambulations nocturnes, par un autre résident souffrant de la même maladie.

Ses ayants droit recherchent la responsabilité de l’établissement à deux titres :

 sur le fondement de l’article 1384 du code civil en qualité de civilement responsable du pensionnaire dont il avait la garde ;

 sur le terrain contractuel pour défaut de surveillance d’un pensionnaire connu pour son agressivité.

Les juridictions civiles écartent toute responsabilité de l’établissement, ce que confirme la Cour de cassation.


Pas de responsabilité délictuelle possible

L’auteur des coups mortels, étant hébergé à la maison de retraite en vertu d’un contrat, la cour d’appel a retenu à bon droit que cette dernière ne pouvait être considérée comme responsable, au titre de l’article 1384, alinéa 1er, du code civil, des dommages causés par lui.

La présence d’un contrat liant le pensionnaire à la maison de retraite neutralise donc toute recherche en responsabilité quasi-délictuelle de l’établissement. Seule la responsabilité contractuelle de ce dernier peut être envisagée.


Pas de faute contractuelle démontrée

Encore faut-il qu’une faute de l’établissement puisse être démontrée. A l’appui de leur requête les ayants droit invoquaient à cet égard :

 un défaut de surveillance du pensionnaire auteur des faits et connu pour son agressivité ;

 une violation du protocole interne de l’établissement qui prévoyait cinq rondes par nuit alors que trois seulement avaient été effectuées la nuit du drame.

Manquements insuffisants pour caractériser une violation des obligations contractuelles de la maison de retraite :

 si l’auteur de l’agression avait été hospitalisé auparavant suite à des problèmes d’agressivité, il n’est pas établi qu’il eût présenté un tel comportement à l’égard des autres pensionnaires depuis son arrivée dans l’établissement qui était apte à recevoir des personnes atteintes des pathologies dont souffraient l’auteur et la victime ;

 rien ne permet d’indiquer que l’agression aurait pu être évitée par des rondes supplémentaires. De fait lors de la dernière ronde entre quatre et cinq heures du matin, avant la découverte du corps de la victime à six heures, cette dernière prenait une collation dans sa chambre tandis que l’auteur des faits dormait dans la sienne.

Tenue d’une l’obligation de surveiller les pensionnaires qui lui étaient confiés pour éviter qu’ils ne s’exposent à des dangers ou y exposent autrui, la maison de retraite n’a ainsi commis aucune faute ayant joué un rôle causal dans la survenance du dommage.

Cour de cassation, chambre civile 1, 15 décembre 2011, N° 10-25740

[1Photo : © Dean Mitchell