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Variante non autorisée : offre rejetée, marché public annulé ?

Conseil d’État, 12 mars 2012, N° 353826

Une entreprise dont l’offre a été rejetée pour présentation d’ une variante non autorisée, peut-elle tout de même demander en référé l’annulation du marché si l’acheteur a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ?

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Non dès lors que son offre était irrégulière pour un motif distinct du manquement invoqué et devait en conséquence être rejetée par la commune sans pouvoir être classée. Ainsi le manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence, à le supposer établi, n’est pas susceptible d’avoir lésé le candidat, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

Une ville francilienne (25 000 habitants) lance une procédure d’appel d’offres ouvert pour l’installation, l’entretien et l’exploitation commerciale de mobiliers urbains sur son domaine public. Sur les deux offres présentées, l’une est rejetée comme étant irrégulière, le candidat ayant présenté des variantes non autorisées par le règlement de la consultation : au soutien de son offre il a en effet proposé plusieurs dessins et modèles pour les différents types de mobiliers urbains.

Il demande en référé l’annulation du marché, reprochant à la commune un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en modifiant substantiellement les modalités de notation du critère du montant de la redevance.

Le juge des référés du tribunal administratif de Melun fait droit à sa demande et enjoint à la commune de reprendre la procédure dans son intégralité : le manquement invoqué est bien susceptible d’avoir lésé le requérant bien que son offre fût irrégulière. En somme, l’irrégularité de l’offre ne prive pas le candidat évincé d’une action en référé visant à obtenir l’annulation du marché.

Dans un arrêt à plusieurs tiroirs et publié au recueil Lebon, le Conseil d’Etat censure cette position et annule l’ordonnance pour erreur de droit :

"le manquement, à le supposer établi, (...) n’est pas susceptible d’avoir lésé la société (...) et ne risque pas de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente, dès lors que (...) son offre était irrégulière pour un motif distinct de cette modification et devait en conséquence être rejetée par la commune sans pouvoir être classée".

Au passage, le Conseil d’Etat en profite pour rappeler les règles relatives à la recevabilité des variantes et leur définition juridique :

"si, en application de ces dispositions [2], les candidats peuvent être autorisés par le pouvoir adjudicateur à présenter des variantes, lesquelles constituent des modifications, à l’initiative des candidats, de spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation, ils sont en revanche tenus, dans le cas où le pouvoir adjudicateur ne leur a pas offert cette possibilité, de présenter une seule offre qui doit être conforme aux exigences des documents de la consultation".

Or les documents de la consultation du marché litigieux n’autorisaient la présentation de variantes que pour " les seules dispositions relatives aux délais et aux fréquences de nettoyage et d’entretien ", excluant de facto toute possibilité de variantes pour les modèles de mobiliers urbains objets du marché.

Ainsi, en s’abstenant d’indiquer, pour chaque type de mobilier urbain exigé, le mobilier qu’elle entendait proposer, le candidat n’a pas mis la commune en mesure d’apprécier son offre sur ce point et de faire application du critère de jugement des offres relatif à la valeur esthétique des mobiliers.

En outre, la commune avait clairement indiqué, par courrier adressé à tous les candidats, qu’il ne leur serait pas possible de proposer plusieurs design. L’offre devait donc bien être rejetée comme étant irrégulière et ce,

"même si les différents dessins et modèles proposés par la société (...) ne pouvaient être regardés comme des variantes au sens des dispositions précitées de l’article 50 du code des marchés publics dès lors qu’ils ne comportaient aucune modification des spécifications prévues dans la solution de base décrite dans les documents de la consultation".

Conseil d’État, 12 mars 2012, N° 353826

[1Photo : © Mats

[2Article 50 du code des marchés publics