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Jurisprudence

Responsabilité des organisateurs de compétitions sportives : obligation de sécurité de résultat ?

Cour d’appel de Nîmes, 10 janvier 2012, N° 10/03730

Les associations qui organisent des compétitions sportives sur des voies ouvertes à la circulation publique sont-elles de plein droit responsables des accidents survenus au cours de l’épreuve ?

Non : elles sont tenues d’une obligation de sécurité de moyens et non de résultat. Ainsi un club sportif ne saurait être tenu responsable de l’accident survenu au concurrent d’une épreuve cycliste qui, roulant sur la partie gauche de la chaussée, a été percuté par un automobiliste sur le parcours ouvert à la circulation publique. En effet il a été rappelé aux coureurs l’obligation de respecter le code de la route pendant la compétition correctement signalée et encadrée. L’association a ainsi strictement respecté les obligations prescrites par l’arrêté préfectoral autorisant l’épreuve. C’est à l’assureur du conducteur du véhicule impliqué, qu’il revient, par application de la loi Badinter, d’indemniser la victime, sans recours possible contre l’association organisatrice.

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Au cours d’une course cycliste sur route organisée par une association, un concurrent est percuté de plein fouet par un automobiliste. Bien que l’attention des coureurs ait été portée sur le strict respect du code de la route, les voies empruntées restant ouvertes à la circulation publique, il roulait sur la voie de gauche de la chaussée pour tenter une échappée.

Grièvement blessé il assigne en justice l’association organisatrice, estimant qu’elle a failli à son obligation de sécurité. Celle-ci objecte, à titre principal, qu’il doit être fait application de la loi Badinter relative à l’indemnisation des victimes d’accident de la circulation. A titre subsidiaire, elle prétend n’avoir commis aucune faute dans l’organisation de la course, celle-ci étant correctement signalée et encadrée conformément aux prescriptions préfectorales.

Le TGI d’Avignon donne raison à l’association, ce que confirme la Cour d’appel de Nîmes : il doit bien être fait application de la loi Badinter dès lors qu’un véhicule est impliqué dans l’accident. C’est donc à l’assureur de l’automobiliste qu’il convient de réparer le préjudice subi, indépendamment de toute faute de conduite du conducteur.

Pas de faute de la victime

Aucune faute de la victime ne peut lui être opposée pour limiter son droit à indemnisation. En effet, toujours par application de la loi Badinter, seule une faute inexcusable est susceptible de priver la victime d’un accident de la circulation de son droit à réparation. Cela suppose qu’elle ait commis une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, l’exposant sans raison valable à un danger dont elle aurait dû avoir conscience :

"ne constitue pas une telle faute le fait pour cycliste participant à une compétition organisée sur route ouverte, encadrée par une voiture ouvreuse et des signaleurs, de rouler sur la partie gauche de la chaussée en montée pour s’échapper et ce, même si en début de course, l’obligation de respecter le code de la route lui a été rappelée."

Pas de faute de l’association

L’assureur de l’automobiliste demandait à ce que l’association soit reconnue responsable de l’accident, lui reprochant, d’une part, de ne pas avoir mis en place des déviations, comme prévu par l’arrêté préfectoral, et d’autre part, une insuffisance du dispositif de sécurité.

L’argument ne convainc pas plus les magistrats, l’association étant tenue d’une obligation de sécurité de moyens et non de résultat :

 la course a été autorisée par arrêté préfectoral, la mise en place de déviations n’étant prescrite que pour ne pas interrompre totalement la circulation pendant l’épreuve. De fait l’arrêté préfectoral a bien prévu que la circulation ne serait pas interrompue sur toutes les voies empruntées par les concurrents, cette circonstance obligeant précisément les organisateurs à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des coureurs et des usagers de la route ;

 la course était ouverte par un véhicule de type 4X4 équipé d’une rampe lumineuse et d’une banderole plastifiée mentionnant en gros caractères "ATTENTION COURSE CYCLISTE". De fait le conducteur du véhicule ouvreur a fait des appels de phares à l’automobiliste et l’a invité à ralentir en lui faisant un signe du bras, ce qu’il ne conteste pas ;

 les coureurs étaient suivis par des véhicules d’assistance ;

 des panneaux de signalisation ont été placés à chaque carrefour important du circuit et des signaleurs postés aux endroits stratégiques ;

 enfin au départ de la course plusieurs messages ont rappelé aux coureurs le strict respect du code de la route sur le parcours, les voies restant ouvertes à la circulation publique.

Ainsi "l’ensemble de ces éléments et les mesures prises par l’association organisatrice démontrent que celle-ci a respecté les conditions prescrites par l’arrêté préfectoral et qu’elle a rempli son obligation de moyens".

Cour d’appel de Nîmes, 10 janvier 2012, N° 10/03730

[1Photo : © Knud Nielsen

Ce qu'il faut en retenir

 Lorsqu’un véhicule est impliqué dans un accident, il a y eu lieu de faire application de la loi Badinter s’agissant de l’indemnisation de la victime. C’est à l’assureur du conducteur du véhicule impliqué qu’il revient d’indemniser la victime, indépendamment de toute faute de conduite du conducteur.

 Seule une faute inexcusable d’une exceptionnelle gravité de la victime peut limiter son droit à indemnisation. Ne constitue pas une telle faute le fait pour un cycliste, participant à une compétition organisée sur une route ouverte à la circulation publique, de rouler sur la partie gauche de la chaussée et ce, même si en début de course, l’obligation de respecter le code de la route lui a été rappelée.

 Si l’assureur de l’automobiliste peut se retourner contre l’association organisatrice de l’association, encore faut-il qu’une faute puisse être imputée à cette dernière. Tel n’est pas le cas si l’association a correctement signalé et encadré l’épreuve et a strictement respecté les prescriptions imposées par l’arrêté préfectoral autorisant l’organisation de la compétition. Les associations organisatrices de compétions sportives sont en effet tenues à une obligation de sécurité de moyens et non de résultat.

 Cet arrêt est l’occasion d’attirer l’attention sur un décret du 5 mars 2012 modifiant les règles relatives à l’organisation des compétitions sportives sur les voies ouvertes à la circulation publique. Les nouvelles règles sont applicables pour toutes les courses organisées sur la voie publique à compter du 7 juin 2012 (voir lien ci-après).


Références

 Article R331-6 et suivants du code du sport

 Décret n° 2012-312 du 5 mars 2012 relatif aux manifestations sportives sur les voies publiques ou ouvertes à la circulation publique NOR : SPOV1129067D


Etes-vous sûr(e) de votre réponse ?

Un chauffard percute un cortège sur la voie publique à la suite de lourdes fautes de conduite. Son assureur peut il se retourner contre la commune au prétexte que le maire "était informé du comportement irresponsable de certains conducteurs sur le territoire communal" ?

Les signaleurs des épreuves sportives organisées sur la voie publique disposent-ils d’un pouvoir d’injonction sur les usagers de la route ?


Voir aussi

Pour un exemple de condamnation d’une association à la suite d’un accident à l’occasion d’une course voir Tribunal correctionnel de Montauban 24 janvier 2012