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Redevance des ordures ménagères : titre exécutoire imprécis, refus de payer justifié ?

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2012, N° 11-13887

Un redevable peut-il refuser de s’acquitter de la redevance des ordures ménagères, faute pour la collectivité d’avoir visé le texte servant de fondement à l’émission du titre exécutoire ?

 [1]


Oui : une circulaire du 18 juin 1998 opposable à l’administration impose la mention, dans le titre exécutoire, de la référence aux textes sur lesquels est fondée l’existence de la créance. Par ailleurs le contribuable doit être en mesure de connaître les bases exactes de la liquidation. Une collectivité ne peut ainsi se borner à renvoyer à un tarif, non détaillé, fixé en fonction de la nature des locaux par une délibération, sans annexer ladite délibération au titre exécutoire. Peu importe que l’intéressé pouvait librement avoir accès à ce document administratif.

Un administré demande l’annulation d’un titre de recette pour un montant de 107 euros émis à son encontre par un syndicat intercommunal au titre de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères.

Se prévalant d’une circulaire du 18 juin 1998, il prétend que le syndicat aurait dû expressément faire référence, dans le titre exécutoire, au texte en vertu duquel la redevance est réclamée. Il prétend également que le syndicat ne pouvait se contenter de se référer au tarif non détaillé fixé par délibération du comité syndical sans joindre en annexe ladite délibération.

Les juges du tribunal d’instance écartent les deux arguments :

1° la circulaire invoquée n’a aucune valeur normative mais simplement interprétative ;

2° le fait que la délibération fixant le montant de la redevance ne soit pas jointe au titre ne saurait entraîner l’irrégularité de celui-ci dès lors que l’intéressé pouvait librement avoir accès à ce document administratif.

La Cour de cassation censure cette position au visa de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983 :

« en vertu de ce texte, tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l’encontre de l’administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l’article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux lois et règlements ».

Ainsi la circulaire du 18 juin 1998, relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et établissements publics locaux et à la forme et au contenu des titres de recettes, est bien opposable à l’administration. Or elle impose notamment la mention, dans le titre exécutoire, de la référence aux textes sur lesquels est fondée l’existence de la créance.

La cour valide également le raisonnement du redevable sur la nécessité de joindre la délibération fixant le montant de la redevance. En effet il résulte de l’article 81, alinéa 1er, du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique que tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation.

Ainsi le titre exécutoire ne pouvait se borner "à renvoyer à un tarif, non détaillé, fixé en fonction de la nature des locaux par une délibération de la collectivité territoriale, non annexée". L’intéressé n’a en effet pas été "mis en mesure de connaître les bases de la liquidation, en particulier à la lumière des distinctions opérées par les articles L. 2333-76 et L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales".

Dix ans après son émission [2], le titre de recette est donc annulé. La communauté de communes, qui entre-temps est venue aux droits du syndicat intercommunal, est condamnée aux dépens.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2012, N° 11-13887

[1Photo : © Wrangler

[2Le titre exécutoire ayant été été émis en 2002...