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Inondation mortelle : défaut d’entretien normal de l’ouvrage public, force majeure ou faute de la victime ?

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 14 décembre 2011, N° 09MA00391

L’imprudence d’un automobiliste, s’engageant volontairement, et malgré la diffusion d’alertes météorologiques inquiétantes, sur une route inondée peut-elle être de nature à exonérer la collectivité qui n’a pas interdit la voie à la circulation ?

 [1]

Oui et ce même si l’évènement climatique ne peut être assimilé à un cas de force majeure. Ainsi une collectivité, bien que ne rapportant pas la preuve d’un entretien normal de l’ouvrage public, ne saurait être déclarée responsable de l’accident survenu à un automobiliste qui a péri noyé après s’être engagé imprudemment, malgré les alertes diffusées sur les radios invitant la population à limiter les déplacements et à faire preuve de la plus extrême prudence, dans un passage sous voie : empruntant ce trajet quotidiennement pour se rendre à son travail, il ne pouvait ignorer qu’au point le plus bas de la voie, l’eau atteindrait nécessairement un niveau largement supérieur à celui qu’il pouvait constater à l’entrée et qui déjà submergeait les roues de son véhicule...

Un automobiliste meurt noyé dans son véhicule, à la suite d’un épisode pluvieux d’une intensité exceptionnelle, après s’être engagé dans un passage sous voie [2] pour se rendre sur son lieu de travail.

Ses ayants droit recherchent la responsabilité de la commune, propriétaire du passage sous voie, et de l’ECPI en charge de son entretien.

Défaut de conception et de signalisation

Après avoir rappelé le régime de responsabilité applicable [3], la cour administrative d’appel de Marseille relève l’absence de dispositif de protection ou de signalisation du danger.

Ainsi, la commune et l’EPCI ne rapportent pas la preuve qui leur incombe, ni de l’absence de défaut de conception de l’ouvrage public assimilable à un défaut d’entretien normal, ni de la présence au moment de l’accident d’une signalisation prévenant du danger ou de barrières interdisant l’accès à l’ouvrage public.

Un arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle ne suffit pas à établir un cas de force majeure

Par ailleurs, aucun cas de force majeure ne peut être utilement invoqué en l’espèce : malgré leur importance et leur intensité exceptionnelle, les précipitations qui se sont abattues le jour du drame n’ont pas présenté un caractère de violence irrésistible constituant un cas de force majeure. La publication d’un arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle ne saurait suffire pour caractériser une telle situation.

Faute de la victime

Néanmoins, le conducteur a commis une faute de nature à exonérer en totalité les collectivités : il connaissait parfaitement la configuration des lieux, empruntant quotidiennement le passage sous voie pour se rendre sur son lieu de travail. Il ne pouvait donc ignorer qu’au point le plus bas du passage, l’eau atteindrait nécessairement un niveau largement supérieur à celui qu’il pouvait constater à l’entrée et qui déjà submergeait les roues de son véhicule...

"Ainsi, en s’engageant dans ces conditions dans le passage sous voie, malgré les alertes diffusées sur les radios invitant la population à limiter les déplacements et à faire preuve de la plus extrême prudence et en poursuivant sa route, alors que l’eau avait atteint à l’entrée du passage un niveau dissuasif pour les autres automobilistes, la victime a commis une imprudence fautive de nature à exonérer totalement la commune de Marseille et la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole de la responsabilité qu’elles pourraient encourir à raison d’un défaut d’entretien de l’ouvrage public".

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 14 décembre 2011, N° 09MA00391

[1Photo : © Tomasz Trojanowski

[2Trémie

[3Il appartient à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l’ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l’ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l’ouvrage public faisait l’objet d’un entretien normal ou que le dommage est imputable à la victime ou à un cas de force majeure.