Offrir des fleurs à sa maîtresse pour la Saint-Valentin, ça peut être très risqué.
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Un élève d’une école élementaire prend l’initiative, pendant la récréation, d’aller cueillir des fleurs pour son institutrice.
Délicate et touchante attention.
Sauf que les roses convoitées se situent dans un jardin à l’extérieur de l’établissement et qu’il faut escalader un grillage de 1,5 mètre de hauteur.
Pas si facile pour un enfant de 10 ans. Mais les yeux de la maîtresse en valent vraiment la chandelle, alors...
La suite de l’histoire est moins romantique : l’enfant s’accroche un bras aux pointes du grillage et doit être conduit d’urgence à l’hôpital. Les parents recherchent la responsabilité, non de la maîtresse, mais de la commune lui reprochant un défaut d’entretien normal de l’ouvrage public.
Et oui, nul doute que de nos jours le petit poucet engagerait un procès contre le maire de sa commune pour défaillance dans l’exercice de son pouvoir de police et de signalisation.
La collectivité se défend en relevant que le grillage est conforme aux normes de sécurité et que la clôture ne présente aucun danger pour les usagers utilisant l’école primaire conformément à sa destination, eu égard à la taille des enfants scolarisés dans cet établissement et à la vocation de ce dernier d’accueillir des enfants de moins de douze ans.
Peu importe répond la Cour administrative d’appel de Marseille qui condamne la collectivité à indemniser la jeune victime :
"cette dépendance de l’ouvrage public qui se termine dans sa partie supérieure par des pointes mesurant cinq centimètres non arrondies et dépourvues d’éléments de protection, doit être regardé comme constitutif d’un défaut d’entretien normal".
La cour ne conteste pas que le grillage était bien conforme aux normes de sécurité. Mais cette circonstance ne dispensait pas la commune "d’adapter cet ouvrage en fonction des contraintes ou risques prévisibles particuliers afin d’éviter que les enfants d’une école primaire puissent être blessés par son extrémité".
Bref, l’hypothèse qu’un enfant, tombant amoureux de sa maîtresse, fasse l’impossible pour aller lui cueillir des fleurs, constituait un risque prévisible.
Quant à un éventuel défaut de surveillance du personnel enseignant, il n’est en rien exonératoire pour la commune. Cette faute, à la supposer établie, est seulement de nature à permettre à la collectivité d’exercer, si elle s’y croit fondée, une action récursoire contre l’Etat. A moins que la commune n’arrive à engager la responsabilité du service de l’éducation nationale pour avoir retenu la candidature d’une maîtresse trop jolie...
Cour Administrative d’Appel de Marseille, 14 décembre 2011, N° 09MA01111
[1] Dessin : © Jean Duverdier