Responsabilités
Cadre injurié par un agent mécontent de sa notation : outrage à personne chargée d’une mission de service public ?

(Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 2011, N° 10-87966)
Un fonctionnaire injurié par un agent mécontent de sa notation peut-il porter plainte pour outrage envers une personne chargée d’une mission de service public ?
[1]
Non. Pour être juridiquement constitué, l’outrage doit viser un fonctionnaire à l’occasion de l’exercice d’une mission de service public. Tel n’est pas le cas si le fonctionnaire fait l’objet d’attaques dans l’exercice de ses prérogatives hiérarchiques.
Un fonctionnaire [2] diffuse aux membres de la commission administrative paritaire un document, intitulé « notation 2005 : de la subordination à la subornation » dans lequel il critique en termes vifs et désobligeants l’établissement de sa notation. Deux cadres de l’administration, visés par ses propos, portent plainte du chef d’outrages à personne chargée d’une mission de service public.
Le tribunal correctionnel condamne l’agent indélicat à 500 euros d’amende avec sursis, ce que confirme la Cour d’appel de Toulouse.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt par un attendu de principe :
"est puni par l’article 433-5 du code pénal le seul outrage commis au préjudice d’une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission".
Or tel n’est pas jugé le cas en l’espèce, dès lors que "les écrits incriminés mettaient en cause les fonctionnaires visés non à l’occasion de l’exercice de leur mission de service public, mais dans le seul cadre de la mise en œuvre de leurs prérogatives hiérarchiques de notation d’un fonctionnaire placé sous leur autorité. "
Cour de cassation, chambre criminelle, 24 mai 2011, N° 10-87966
Ce qu'il faut en retenir
Les dispositions du code pénal réprimant l’outrage envers une personne dépositaire de l’autorité publique ne protègent pas le fonctionnaire injurié à l’occasion de la mise en œuvre de ses prérogatives hiérarchiques. Pour être constitué l’outrage suppose en effet que les attaques de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont il est investi, soient dirigées dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice d’une mission de service public.
Cela ne signifie pas pour autant que les agents disposent du droit d’insulter leurs supérieurs ! Outre qu’ils s’exposent à des sanctions disciplinaires, ils peuvent également faire l’objet de poursuites pénales pour injures (publiques ou privées selon les cas) sur le fondement de la loi de 1881 sur la presse.
Références
Voir aussi
Un agent communal chargé du nettoyage de la voie publique est-il chargé d’une mission de service public au sens de l’article 222-13, 7è du code pénal ? (accès réservé aux sociétaires Smacl)
L’envoi d’un courrier électronique à un supérieur hiérarchique, dénonçant les méthodes de management d’un cadre, peut-il constituer une diffamation si l’expéditeur n’a pas pris la précaution de porter la mention « confidentiel » dans l’objet du message ? (accès réservé aux sociétaires Smacl)
[1] Photo : © Ximagination
[2] Inspecteur des impôts