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Prêt de matériel à un agent par une entreprise attributaire : corruption passive ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 26 janvier 2011, N° : 10-80155

Un prêt de matériel à un agent ou à un élu, par une entreprise attributaire, postérieurement à l’attribution d’un marché public, peut-il être constitutif de corruption ?

 [1]


Oui. Depuis la loi du 30 juin 2000 la remise d’un cadeau en guise de remerciement postérieurement à l’attribution d’un marché public peut caractériser la corruption, même en l’absence de sollicitation ou de promesse antérieure. Un prêt de matériel par une entreprise attributaire d’un marché public constitue un "avantage quelconque" au sens de la loi.

Un agent d’EDF est soupçonné d’avoir bénéficié, à titre personnel, de services rendus par une entreprise en contrepartie de la fourniture d’éléments ayant permis à celle-ci d’obtenir l’attribution de chantiers.

Poursuivi pour corruption passive, il lui est reproché d’avoir, en sa qualité d’agent technique, fourni à l’entreprise des renseignements précis l’avantageant pour l’attribution d’un marché. En guise de remerciement, il a bénéficié de quelques travaux à son domicile [2] ainsi que du prêt d’une pelle mécanique.

Pour sa défense, le prévenu invoque la non-rétroactivité des lois pénales plus sévères. Ce n’est en effet que depuis la loi du 30 juin 2000 qu’il n’est plus nécessaire de démontrer un pacte de corruption préalable : désormais la corruption peut être caractérisée "à tout moment" y compris si le don ou l’avantage est accordé postérieurement en guise de remerciement. [3]. Or les faits qui lui sont reprochés ont été commis avant cette intervention législative.

La Cour de cassation n’en confirme pas moins la condamnation de l’agent à un mois d’emprisonnement avec sursis, estimant qu’il existait bien, en l’espèce, un pacte préalable de corruption. Et les magistrats d’ajouter :

"constitue un acte facilité par la fonction (...) le fait pour un salarié d’EDF, personne chargée d’une mission de service public, de fournir des renseignements sur les marchés envisagés par son entreprise".

Cour de cassation, chambre criminelle, 26 janvier 2011, N° : 10-80155

[1Photo : © Frédéric Massard

[2Equivalent de deux jours de travail par deux salariés.

[3Avant cette loi, des cadeaux remis postérieurement à l’attribution du marché sans sollicitation ou promesse antérieure n’étaient pas répréhensibles