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Lutte contre les squats : un régime de protection renforcé

Dernière mise à jour le 20/09/2023

Publiée au cœur de l’été la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (loi du 27 juillet 2023 dite « loi anti-squat ») vise à :

👉 mieux réprimer le squat ;

👉 sécuriser les rapports locatifs ;

👉 renforcer l’accompagnement des locataires en difficulté.

Tour d’horizon des principales mesures.

I- Protection des logements contre le squat : un régime renforcé

1- Nouveaux délits

La loi crée deux nouveaux délits :

1.1 Le délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble bâti à usage d’habitation ou économique

Le nouvel article 315-1 du code pénal sanctionne :

 l’introduction dans un local à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contraintes (hors les cas où la loi le permet),
 le maintien dans les lieux suite à cette introduction (hors les cas où la loi le permet).

Le périmètre des locaux concernés dépasse le seul domicile. En effet sont concernés les locaux à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel.

Peines encourues : 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

1.2 Le délit de maintien dans les lieux après décision d’expulsion

Le nouvel article 315-2 du code pénal punit le maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation alors qu’une décision de justice définitive et exécutoire d’expulsion a été prononcée depuis plus de deux mois.

Sanction encourue : 7500 euros d’amende.

Champ d’application :

Le dispositif s’applique « hors les cas où la loi le permet » c’est à dire sauf : trêve hivernale (article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution, sursis à expulsion (article L.412-3 du même code) ou lorsque le logement appartient à un bailleur social ou une personne morale de droit public.

2 - Sursis à l’exécution des décisions d’expulsion : pas de délais pour les squatteurs

L’article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution donne au juge la possibilité d’accorder des délais supplémentaires aux locataires dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement lorsque le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation.

La loi modifie et complète cet article :

 d’une part, la possibilité d’obtenir des délais pour l’exécution des décisions d’expulsion sans avoir à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation est supprimée ;

 d’autre part, la possibilité d’obtenir un sursis à l’exécution des décisions d’expulsion ne s’applique pas « lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ». Cette mesure vise les squatteurs. Elle « ne concerne donc pas l’ensemble des locataires en difficulté » (Rapport n°1010 – Assemblée Nationale).

3 - Délai d’expulsion et trêve hivernale

Le délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux et le recours au concours de la force publique ne s’applique pas lorsque le juge constate que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte (second aliéna de l’article L.412-1 modifié ; l’ancienne version évoquait seulement les voies de fait).

Trêve hivernale


(article L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution)

Le sursis à une mesure d’expulsion pour trêve hivernale ne s’applique pas « lorsque la mesure d’expulsion a été prononcée en raison d’une introduction sans droit ni titre dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte » (portée plus large).

4 - Des sanctions pénales renforcées

La loi durcit certaines sanctions pénales.

4.1 La peine encourue pour violation de domicile est triplée (modification de l’article 226-4 du code pénal) :

« L’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

Le maintien dans le domicile à la suite de l’introduction, hors les cas ou la loi le permet, est puni des mêmes peines.

4.2 La peine encourue pour mise à disposition frauduleuse d’un bien immobilier à usage d’habitation est également triplée (article 313-6-1 du code pénal modifié) :

 « Le fait de mettre à disposition d’un tiers, en vue qu’il y établisse son habitation moyennant le versement d’une contribution ou la fourniture de tout avantage en nature, un bien immobilier appartenant à autrui, sans être en mesure de justifier de l’autorisation du propriétaire ou de celle du titulaire du droit d’usage de ce bien est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».

5 - Une nouvelle infraction : sanction de l’incitation à la commission du délit d’occupation illicite 

5.1 La loi sanctionne la propagande ou la publicité en faveur de méthodes visant à faciliter ou inciter les squats  [1].

L’amende s’élève à 3750 euros selon le nouvel article 226-4-2-1 du code pénal.

Champ d’application :

La sanction vise non seulement la promotion des « squats de domicile »* (article 226-4 du code pénal ) mais encore les « squats d’un local » (nouvel article 315-1 du code pénal).

Squats de domicile : élargissement de la notion de domicile en droit pénal



La loi apporte des précisions concernant le régime juridique de la violation de domicile en élargissant la notion de domicile : « constitue notamment le domicile d’une personne (…) tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non » (article 226-4 du code pénal).



Le Conseil Constitutionnel [2] a formulé une réserve d’interprétation considérant qu’« il appartiendra au juge d’apprécier si la présence de ces meubles permet de considérer que cette personne a le droit de s’y dire chez elle ».

5.2 Responsabilité lorsque le délit est commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle :

« Lorsque le délit est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

6 - Modification de la procédure administrative spéciale pour évacuer les occupants (article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (loi DALO).

La loi Dalo a institué une procédure dérogatoire d’expulsion des squatteurs par rapport à la procédure prévue à l’article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution aux termes duquel l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.

La loi anti-squat modifie une nouvelle fois cette procédure [3].

6.1 Conditions d’engagement de la procédure :

- Intrusion dans les domicile d’autrui ou dans un local à usage d’habitation

La procédure administrative d’évacuation forcée est engagée en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte.

Cela concerne une intrusion dans le domicile d’autrui qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale (précisions apportées par la loi Asap) ou dans un local à usage d’habitation (apport de la loi du 27 juillet 2023) : « deviendraient ainsi éligibles à la procédure d’évacuation forcée les logements occupés par des squatteurs entre deux locations ou juste après l’achèvement de la construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager » (Amendement n°COM-38).

- Demande adressée au représentant de l’État dans le département

La demande de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux peut être adressée par :
 la personne dont le domicile est ainsi occupé ,
 toute personne agissant dans l’intérêt et pour le compte de celle-ci,
 ou le propriétaire du local occupé (nouveauté).

Préalables requis :

La victime doit :
 déposer plainte,
 prouver que le logement constitue son domicile ou sa propriété*
 et faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire. La loi « anti-squat » élargit la possibilité de faire constater l’occupation illicite au commissaire de justice et au maire.

- Obligation pour le préfet de s’adresser à l’administration fiscale :
Lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison de l’occupation, le représentant de l’Etat dans le département sollicite, dans un délai de soixante-douze heures, l’administration fiscale pour établir ce droit (apport de la nouvelle loi).

6.2 Procédure

La décision de mise en demeure doit être prise dans un délai de 48h à compter de la réception de la demande.
La décision est prise « après considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant ».

- Acceptation de la demande, délai d’exécution de l’évacuation forcée

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures.

« Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l’introduction d’une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l’exécution de la décision du représentant de l’État « (apport de la loi anti-squat).

La mise en demeure est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l’auteur de la demande.

- Motifs de refus de faire droit à la demande  

Le préfet peut refuser pour deux motifs : la méconnaissance des conditions d’engagement de la procédure ou l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général. Le représentant de l’État doit communiquer sans délai les motifs du refus.

 « Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé, le représentant de l’Etat dans le département doit procéder sans délai à l’évacuation forcée du logement, sauf opposition de l’auteur de la demande dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. »

7- Dispositif de mise à disposition temporaire de locaux vacants : consolidation et sécurisation du dispositif

Le dispositif permettant à un organisme agréé, une association, de conduire des opérations d’occupation de locaux vacants par des résidents temporaires [4] est pérennisé par la loi anti-squat.

« Les opérations d’occupation temporaire de locaux en vue d’en assurer la protection et la préservation font l’objet d’une convention entre le propriétaire et un organisme public, un organisme privé ou une association qui s’engage à protéger et à préserver les locaux qui sont mis à sa disposition et à les rendre au propriétaire libres de toute occupation à l’échéance de la convention ou lors de la survenance d’un événement défini par celle-ci ».

La loi de 2023 prévoit de nouvelles mesures (article 29 de la loi Elan complété).

7.1 Simplification des démarches d’expulsion des résidents temporaires

Il s’agit du cas où des résidents temporaires se maintiennent dans ces locaux après l’expiration de leur contrat de résidence temporaire.

L’objectif est de raccourcir les délais de procédure afin d’« assurer la souplesse d’une occupation qui est par nature temporaire ».

A cette fin, le législateur prévoit notamment que le juge judiciaire puisse statuer sur une demande d’expulsion au moyen d’une simple requête (procédure de l’ordonnance sur requête prévue aux articles 493 et suivants du code de procédure civile).

7.2 Exclusion des contrats de résidence temporaire du périmètre d’application de la loi du 6 juillet 1989 (loi n°89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs)

Afin de prémunir ces contrats de tout risque de requalification en baux d’habitation, la loi prévoit que le cadre fixé par la loi du 6 juillet 1989 ne s’applique pas à ce dispositif (article 2 de loi de 1989 complété).

Exonération de responsabilité du propriétaire : censure du Conseil constitutionnel


Le Conseil Constitutionnel a censuré l’article 7 de la loi qui modifiait l’article 1244 du code

civil afin de libérer le propriétaire d’un bien immobilier occupé illicitement de son obligation d’entretien et de l’exonérer de sa responsabilité en cas de dommage résultant d’un défaut d’entretien de ce bien. Le propriétaire était exonéré de sa responsabilité non seulement à l’égard de l’occupant sans droit ni titre mais également vis à vis des tiers (l’article 7 prévoyait que les dommages causés à un tiers incombaient à l’occupant sans droit ni titre). Le Conseil Constitutionnel estime que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit des victimes d’obtenir réparation du préjudice résultant du défaut d’entretien d’un bâtiment en ruine.

II- Mesures complémentaires : sécuriser les rapports locatifs et prévenir les expulsions

Les principales mesures à mentionner sont les suivantes (article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié) :

1. Insertion obligatoire d’une clause de résiliation du bail pour défaut de paiement

« Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie » précise l’article 24 modifié de la loi du 6 juillet 1989 (clause jusqu’à présent facultative mais déjà présente dans la majorité des contrats).

Cette clause ne produit effet que six semaines après un commandement de payer demeuré infructueux (au lieu de 2 mois auparavant).

2. Conditions de suspension de la clause de résiliation

Les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge lorsque le juge a été saisi en ce sens par le bailleur ou le locataire.

Cette suspension est possible si le locataire a repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience (modification article 24 VII de la loi du 6 juillet 1989).

« Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge ».

3. Délais de paiement

Le juge peut accorder des délais de paiement, dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Tel que modifié par la loi, l’article 24 de la loi 6 juillet 1989 dispose désormais que ces délais de paiement peuvent être accordés d’office par le juge ou à la demande du locataire, du bailleur.

Toutefois, le législateur soumet l’obtention des délais de paiement à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience en résiliation du bail (nouveauté introduite par la loi).

4. Information du locataire

Le locataire est informé par le préfet de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement.

5. Réparation due au propriétaire en cas de refus de la force publique

Un décret devra préciser les modalités d’évaluation de la réparation due au propriétaire en cas de refus du concours de la force publique afin d’exécuter une mesure d’expulsion (article 11 modifiant l’article L.153-1 du code des procédures civiles d’exécution).

6. Délais d’expulsion du locataire de mauvaise foi

L’article L.412-1 du code des procédures civiles d’exécution fixe un délai pour l’expulsion :

« Si l’expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement ».

Ce délai de deux mois est supprimé lorsque le juge constate la mauvaise foi de la personne expulsée (second aliéna de l’article L.412-1 modifié).

7. Délais renouvelables pour différer l’expulsion (délais de grâce)

Le législateur réduit les délais renouvelables accordés aux occupants pour différer l’expulsion : le délai minimal est réduit à un mois (au lieu de trois) et le délai maximal à un an (au lieu de trois) (article L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution modifié).

8. Prévention des expulsions locatives

La loi précise le rôle et les missions des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives présentes dans chaque département (Ccape créées par la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement) afin d’améliorer l’accompagnement des bailleurs et des locataires en cas de difficultés de paiement des loyers.

L’article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est réécrit pour notamment confier de nouvelles missions aux Ccape parmi lesquelles :

 décider du maintien ou de la suspension de l’aide personnelle au logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la dépense de logement,
 émettre des avis et des recommandations en matière d’attribution d’aides financières sous forme de prêts ou de subventions et d’accompagnement social lié au logement suivant la répartition des responsabilités prévue par la charte de prévention de l’expulsion,
 orienter et répartir entre ses membres le traitement des signalements de personnes en situation d’impayé locatif notifié au représentant de l’Etat dans le département par les commissaires de justice.

Les Ccape seront également destinataires de davantage d’informations et notamment des décisions prises à la suite de ses avis, des décisions d’expulsion passées en force de chose jugée, de toute demande et octroi du concours de la force publique en vue de procéder à l’expulsion d’un lieu habité…

Loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite

[1Des guides, des modes d’emploi publiés en ligne offrent conseils et recommandations visant à faciliter la pratique du squat (Rapport n°1010 Assemblée Nationale)

[2Conseil Constitutionnel, 26 juillet 2023 : n°2023-853 DC

[3Des modifications avaient déjà été apportées par la loi Asap du 7 décembre 2020

[4Dispositif créé par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et prorogé jusqu’en 2023 par la loi Elan du 23 novembre 2018